Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/348

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quelque chose d’un nécroman. À ses vêtements ordinaires on avait substitué une robe de peau de daim couverte de peintures fantastiques, et qui le protégeait suffisamment contre le froid. Comme par dérision de ses études favorites, une foule de crapauds, de grenouilles, de lézards et de papillons, tous préparés avec soin pour prendre place un jour dans son cabinet particulier, étaient attachés, les uns à son unique boucle de cheveux, d’autres à ses oreilles, ou à d’autres parties saillantes de sa personne. Si, indépendamment de l’effet produit par ces bizarres accessoires de son costume, nous ajoutons l’air soucieux et inquiet qui rendait son visage doublement austère, et qui peignait les tourments intérieurs auxquels le digne docteur était en proie, en voyant sa dignité personnelle ainsi ravalée, et, ce qui était d’une bien plus grande importance à ses yeux, en se voyant traîné pour être, comme il n’en doutait pas, la victime de quelque sacrifice païen, le lecteur concevra sans peine la sensation extraordinaire que son apparition produisit au milieu d’une troupe qui était déjà plus d’à moitié préparée à le regarder comme un agent redoutable de l’esprit du mal.

Wencha conduisit asinus droit au milieu du cercle, et les laissant ensemble, car les jambes du naturaliste étaient tellement collées contre sa monture, que la bête et le cavalier semblaient ne faire qu’un, il se retira modestement à sa place en jetant sur le prétendu magicien un regard d’admiration et de surprise où se peignait toute la stupidité de son âme.

Les spectateurs et celui qui jouait le premier rôle dans cette scène étrange paraissaient également frappés de stupeur. Si les Tetons contemplaient les attributs mystérieux du médecin avec un sentiment de respect et de crainte, le docteur portait les regards tout autour de lui, livré à une foule d’émotions tout aussi extraordinaires, dans lesquelles cependant cette dernière sensation dominait d’une manière tout à fait sensible. Ses yeux dans ce moment semblaient doués du pouvoir de multiplier les objets, car à chaque Teton qu’il apercevait, il croyait voir une douzaine de figures farouches et menaçantes, sans découvrir sur aucune d’elles le plus léger signe de sympathie ou de pitié. À la fin son regard errant se porta sur la physionomie grave et honnête du Trappeur, qui, Hector à ses pieds, était debout à l’entrée du cercle, appuyé sur sa carabine, qu’on lui avait permis de reprendre pour lui témoigner qu’on le regardait comme un ami, et qui paraissait