Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/375

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à s’animer encore davantage, et à redoubler, s’il était possible, la fureur qui les dévorait.

Ce fut au milieu de ce cercle de véritables démons que le Trappeur s’avança avec autant de calme et de gravité que s’il fût entré dans une église de village. Son arrivée ne produisit d’autre effet que de donner une nouvelle activité à leurs gestes menaçants, comme si elles n’en pouvaient trouver d’assez énergiques pour exprimer leurs atroces projets. Le vieillard leur fit signe de s’arrêter.

— Pourquoi, leur demanda-t-il, les mères des Tetons chantent-elles avec des langues amères ? Les prisonniers pawnies ne sont pas encore dans leur village ; leurs jeunes guerriers ne sont pas encore revenus chargés de chevelures.

On ne lui répondit que par de nouveaux cris, ou plutôt par des hurlements farouches, et quelques-unes des furies les plus acharnées allèrent même jusqu’à s’approcher de lui, et agitèrent leurs couteaux autour de sa tête comme si elles s’apprêtaient à l’en frapper.

— C’est un guerrier qui est devant vous, et non pas quelque vagabond de Long-Couteau, dont la figure pâlit encore à la vue d’un tomahawk, reprit le Trappeur sans sourciller. Que les femmes sioux y pensent bien : si une Peau Blanche meurt, cent autres sortent de terre à l’endroit même où il est tombé.

Les mégères ne répondirent encore qu’en pressant le mouvement de leur danse circulaire, et en élevant de temps en temps la voix avec plus de force, lorsque leurs chants exprimaient des idées de vengeance. Tout à coup l’une des plus âgées et des plus féroces de la bande sortit du cercle, et s’élança vers ses victimes avec la rapacité d’un oiseau carnassier qui, ayant balancé quelque temps ses ailes pesantes, prend son essor pour s’abattre sur sa proie. Les autres la suivirent en désordre et en poussant de grands cris, craignant d’arriver trop tard pour avoir le plaisir de plonger aussi leurs mains dans le sang.

— Puissant médecin de mon peuple ! s’écria le Trappeur dans la langue des Tetons, élevez votre voix et parlez afin que le peuple sioux entende !

Soit qu’asinus, instruit par l’expérience récente qu’il en avait faite, eût appris à connaître tout le pouvoir de ses accents sonores, soit que le spectacle étrange d’une douzaine de sorcières qui accouraient sur lui en frappant l’air de cris perçants capables de