Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/385

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galop, il poussa un cri de triomphe. Revenant tout à coup sur ses pas, il allait profiter de son avantage, lorsque son propre coursier chancela à son tour et tomba, épuisé par le sang qui sortait de sa blessure, et incapable de porter plus longtemps son maître.

Mahtoree répondit à son cri prématuré de victoire, et, le tomahawk à la main, il s’élança sur le jeune guerrier, qui était embarrassé dans les jambes de son cheval. Malgré tous ses efforts et son agilité extraordinaire, Cœur-Dur n’avait pu réussir à se dégager à temps ; il sentit que sa position était désespérée. Avec un sang-froid admirable, il chercha son couteau, en prit la lame entre l’index et le pouce, et il le lança avec une dextérité sans égale sur son rival ; qui accourait sur lui. L’arme tranchante tourna plusieurs fois dans l’air, et la pointe ayant rencontré la poitrine nue de l’impétueux Sioux, la lame s’y enfonça jusqu’au manche.

Mahtoree porta la main sur le couteau, et parut hésiter s’il le retirerait ou non. Pendant un moment, une expression féroce de haine se peignit sur sa figure, et alors, comme si une voix secrète l’avertissait intérieurement qu’il avait bien peu de temps à perdre, il se traîna en chancelant jusqu’au bord du banc de sable, mit un pied dans l’eau, puis s’arrêta. L’astuce et la duplicité qui avaient si longtemps obscurci le caractère plus noble de sa physionomie se perdirent dans le sentiment d’orgueil qu’il avait conçu dès la plus tendre enfance, et qui semblait ne pouvoir s’éteindre qu’avec la vie.

— Enfant des Loups ! s’écria-t-il avec un affreux sourire de satisfaction, la chevelure d’un chef Dahcotah ne sèchera jamais au foyer d’un Pawnie.

Il dit, et, tirant le couteau de sa blessure, il le jette d’un air dédaigneux à son ennemi. Son bras semble encore le défier ; sa langue refuse d’exprimer plus longtemps ce qu’il éprouve, mais son regard supplée à ce silence forcé ; la haine, le dédain sortent en quelque façon par tous les traits de sa figure, et, l’œil encore fixé sur son rival, il se précipite dans la rivière, à l’endroit où le courant est le plus rapide. Son corps est déjà plongé pour jamais dans l’abîme, que sa main continue à s’agiter encore en triomphe au-dessus de l’eau.

Le silence qui avait jusque alors régné dans les deux troupes fut rompu tout à coup par des cris unanimes et tumultueux. Déjà, des deux côtés, cinquante guerriers s’étaient précipités dans la rivière, courant, les uns défendre, et les autres venger