Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/393

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ses guerriers n’inspirât la méfiance ou l’inquiétude. Il ne recherchait son amitié, ni ne redoutait sa haine, et il se prépara à juger ses prisonniers avec autant de calme que si l’espèce de pouvoir patriarcal qu’il allait exercer avait été universellement reconnu.

Il y a dans l’exercice de l’autorité quelque chose qui nous élève en quelque sorte au-dessus de nous-mêmes, quoiqu’il soit si facile d’en abuser. Nous cherchons à justifier par nos talents le pouvoir que nous nous sommes arrogé ; mais ces efforts, même lorsqu’ils sont impuissants, ne servent qu’à jeter du ridicule sur ce qui auparavant n’excitait que la haine. Ils ne produisirent pas sur Ismaël Bush un effet aussi contraire à ses intentions. Grave dans son maintien, formidable par sa force physique, et dangereux par son obstination qui ne connaissait aucune loi, le tribunal qu’il s’était créé inspirait une sorte de crainte à laquelle l’ingénieux Middleton lui-même ne put tout à fait se soustraire. Il n’eut cependant que peu d’instants pour rassembler ses idées ; car le squatter, quoiqu’il ne fût pas dans l’habitude de se hâter, ayant d’avance tout combiné dans sa tête, ne voulait pas perdre des instants précieux dans de vains délais. Lorsqu’il vit chacun à sa place, il promena un regard sans expression sur ses prisonniers, et s’adressa au capitaine, comme au personnage le plus important de ceux qu’il regardait comme autant de coupables.

— Je suis appelé aujourd’hui à remplir les fonctions de ceux que dans les habitations vous appelez juges, et qui se rassemblent entre quatre murs pour prononcer sur les différends qui peuvent s’élever d’homme à homme. Je connais peu les coutumes d’une cour de justice, mais il est un principe qui est connu partout : c’est qu’il faut rendre œil pour œil, et dent pour dent. Je me soucie peu des tribunaux, et je me soucie encore moins de vivre sur une plantation qu’un arpenteur a mesurée dans tous les sens ; cependant il y a de la raison dans cette loi, et c’est ce qui fait qu’on peut la suivre sans craindre de s’égarer ; aussi est-ce un fait qu’aujourd’hui je la mettrai en vigueur, et que je donnerai à tous et à chacun ce qui lui est dû, et rien de plus.

Après ce préambule, Ismaël s’arrêta et regarda autour de lui, comme pour voir l’effet qu’il avait produit sur ses auditeurs. Lorsque ses yeux rencontreront ceux de Middleton, celui-ci lui répondit : — Si le malheur doit être puni, et si celui qui n’a jamais offensé personne doit être mis en liberté, nous devons