Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/398

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homme, Esther ; mais puisque vous désirez le voir partir, je ne labourerai pas la Prairie pour lui rendre la route pénible. Ami, vous êtes libre de retourner dans les habitations, et lorsque vous y serez, je vous conseille d’y rester, car les hommes comme moi, qui font rarement des marchés, n’aiment point à les voir rompre si facilement.

— Et maintenant, Ismaël, lui dit sa compagne d’un air de triomphe, afin d’avoir la paix dans la famille et d’éloigner de nous tout sujet de discorde, montrez à cette Peau Rouge et à sa fille le chemin de leur village, et disons-leur en même temps : — Adieu et Dieu vous bénisse.

Et en disant ces mots, Esther lui montrait le Balafré et la veuve Tachechana.

— Ils sont les captifs des Pawnies, répondit Ismaël, et, d’après les lois de la guerre des Indiens, je n’ai aucun droit sur eux.

— Méfiez-vous du diable, mon homme ! c’est un trompeur et un tentateur, et personne ne peut se dire en sûreté tant qu’il a devant les yeux ses perfides illusions ! Écoutez les conseils d’une femme qui a l’honneur de votre nom à cœur, et renvoyez cette Jézabel basanée.

Le squatter posa sa large main sur l’épaule d’Esther, et, la regardant fixement, il lui répondit d’un ton sévère et solennel :

— Femme, ce que nous avons devant les yeux doit appeler nos pensées sur d’autres sujets que les folies qui vous passent par la tête ; rappelez-vous ce qui doit suivre, et laissez dormir votre sotte jalousie.

— Cela est vrai, cela est vrai, murmura Esther en retournant au milieu de ses filles ; Dieu me pardonne, il me serait difficile de l’oublier.

— Et maintenant, jeune homme, vous qui êtes venu si souvent chez moi, sous le prétexte de suivre l’abeille jusqu’à son trou, reprit Ismaël après avoir fait une courte pause comme pour rétablir équilibre de son esprit, le compte que nous avons ensemble ne sera pas si facile à terminer. Non content d’avoir mis le désordre dans mon camp, vous avez enlèvé une jeune personne qui est parente de ma femme, et dont je comptais un jour faire ma fille.

Cette interpellation produisit sur l’auditoire une sensation beaucoup plus vive que toutes les précédentes. Tous les jeunes gens fixèrent un œil curieux sur Paul et sur Hélène. Paul le sou-