Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/401

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sans appui sur la terre, dit-elle en s’efforçant de commander à son émotion, lorsque j’étais abandonnée de ceux qui vivent au sein de l’abondance comparativement à vous, et puisse le ciel vous bénir et vous en récompenser ! car le peu que j’ai fait ne saurait payer un tel acte de bonté. Je n’aime point votre genre de vie ; il diffère trop de celui dans lequel j’ai passé mon enfance, pour être d’accord avec mes goûts ; et cependant si vous n’eussiez pas enlevé à sa famille cette jeune femme si douce et si intéressante, jamais je ne vous aurais quitté que vous ne m’eussiez dit vous-même : — Allez, et que la bénédiction de Dieu soit avec vous.

— Cette action n’était pas juste, répondit Ismaël, mais le repentir l’a suivie, et, autant qu’il sera en mon pouvoir, je la réparerai. Maintenant, parlez librement, voulez-vous rester ou partir ?

— J’ai promis à cette jeune dame de ne la point quitter, dit Hélène en baissant les yeux à terre ; et lorsqu’elle a tant à se plaindre de vous, elle a doublement droit d’exiger que je tienne ma parole.

— Ôtez les liens de ce jeune homme, dit Ismaël, et dès que cet ordre fut exécuté, il fit signe à tous ses fils d’avancer et de se placer en cercle devant Hélène. — Maintenant, continua-t-il, ce n’est point un badinage, ouvrez-nous votre cœur. Voilà tous ceux que j’ai à vous offrir, sans compter un accueil cordial.

Hélène, embarrassée, promena ses regards timides sur ses jeunes cousins, l’un après l’autre, jusqu’à ce qu’ils tombassent sur la physionomie expressive et inquiète de Paul. Alors la nature l’emporta sur les bienséances ; elle se jeta dans les bras du chasseur d’abeilles, et ses sanglots entrecoupés proclamèrent suffisamment son choix. Ismaël fit signe à ses fils de se retirer, et plus mortifié que surpris du résultat de son épreuve, il n’hésita pas plus longtemps sur ce qu’il avait à faire.

— Prenez-la, dit-il à Paul, et conduisez-vous avec elle honnêtement. Cette jeune fille a des qualités qui doivent la faire bien accueillir dans quelque maison qu’il lui plaise d’entrer, et je serais fâché d’apprendre qu’elle n’est pas heureuse. Maintenant tout est arrangé entre nous d’une manière que vous ne trouverez pas désagréable, je l’espère, mais au contraire équitable et digne d’un homme d’honneur. Je n’ai plus maintenant qu’une question à faire au capitaine. Profiterez-vous ou non de mes chariots pour vous rendre dans les habitations ?