CHAPITRE XXXII.
smaël attendit longtemps et avec patience que la petite troupe
qui le quittait fût tout à fait hors de vue. Ce ne fut que lorsque
celui de ses fils qu’il avait envoyé à la découverte vint lui dire
que le dernier traîneur de la suite d’Indiens qui attendaient leur
chef à une assez grande distance du camp pour que leur nombre
ne donnât aucune inquiétude, avait disparu derrière les collines
ondoyantes de la Prairie, que le squatter donna l’ordre d’abattre
ses tentes. Les chevaux étaient déjà attelés, et les meubles furent
bientôt transportés de leurs places ordinaires dans les différentes
voitures. Lorsque tous ces arrangements furent terminés, le petit
chariot qui avait été si longtemps la prison d’Inez fut amené devant
la tente où l’on avait déposé le corps d’Abiram, et quelques
préparatifs furent évidemment faits pour y recevoir un nouveau
prisonnier. Ce fut alors seulement, lorsque Abiram parut, pâle,
défait, écrasé sous le poids de sa conscience coupable, que les
jeunes membres de la famille apprirent qu’il était encore au
nombre des vivants. Une opinion générale et superstitieuse s’était
répandue parmi eux, que la main de Dieu s’était déjà appesantie
sur Abiram, et que son crime avait attiré sur sa tête un châtiment
aussi soudain que terrible ; et ils le regardaient comme un être
qui appartenait déjà à l’autre monde plutôt que comme un homme
qui avait à supporter comme eux la dernière agonie avant que
l’anneau qui le liait encore à la chaîne de la vie fût rompu pour
toujours.
Le criminel lui-même paraissait être dans un état de terreur où l’irritation nerveuse la plus violente luttait contre une complète apathie physique. La vérité était que, tandis que toute sa personne était comme engourdie par un choc si inattendu, son esprit naturellement inquiet et craintif le retenait dans une cruelle agitation sans relâche. Dès qu’il se trouva en plein air, il regarda autour de lui, afin de lire, s’il était possible, le sort qu’on lui destinait,