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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/436

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pouvaient être une douzaine des principaux chefs. Cœur-Dur agita la main en approchant, et aussitôt Le cercle, s’ouvrit pour le laisser passer. Il s’avança dans l’enceinte, suivi de tous ses compagnons. Là ils mirent tous pied à terre, et les étrangers se trouvèrent environnés d’un millier de figures, toutes graves et soucieuses.

Middleton regarda autour de lui avec une inquiétude toujours croissante ; aucun chant, aucun cri de joie ne s’était fait entendre pour fêter sa bienvenue, et ce peuple qu’il avait quitté si récemment et avec peine ne l’accueillait que par son silence. Son anxiété, disons plus, ses alarmes furent partagées par tous ses compagnons. La résolution et le courage commencèrent à se peindre sur toutes les figures à la place d’une vaine terreur, et chaque soldat porta en silence la main sur ses armes, comme pour s’assurer que rien ne lui manquait pour vendre chèrement sa vie. Mais les mêmes symptômes d’hostilité ne se manifestèrent point chez leurs hôtes. Cœur-Dur fit signe à Middleton et à Paul de le suivre, et il s’avança vers le petit groupe qui occupait le milieu du cercle. Ce fut là que les deux amis trouvèrent l’explication d’une conduite qui leur avait donné de si vives inquiétudes.

Le Trappeur était assis sur un siège grossier, que les Indiens avaient fait eux-mêmes avec beaucoup de soin pour que toutes les parties de son corps y trouvassent un appui facile. Il ne fallut qu’un coup d’œil à ses anciens amis pour les convaincre que le vieillard était enfin appelé à payer son dernier tribut à la nature. Son œil était terne, il n’avait plus d’expression, et semblait même ne plus voir. Ses joues étaient encore plus creuses et plus enfoncées qu’à l’ordinaire : mais c’était le seul changement qui se fît remarquer dans toute sa personne. La dissolution qui se préparait ne provenait pas d’une maladie ; ce n’était qu’un affaiblissement graduel de toutes les facultés. La vie n’avait pas encore abandonné le corps ; quoique parfois elle parût au moment même de s’échapper, tandis que dans d’autres instants ce flambeau presque éteint se ranimait, comme s’il lui en coûtait de quitter une demeure qui n’avait jamais été souillée par le vice, ni corrompue par la maladie. Il n’aurait pas fallu de grands efforts d’imagination pour se figurer que l’âme flottait sur les lèvres du bon vieillard, cherchant prolonger ces espèces d’adieux pour s’éloigner le plus tard possible du lieu où elle avait trouvé depuis si longtemps l’asile le plus honorable.