Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/443

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rien de plus. Alors mon nom ne sera pas entièrement perdu sur la terre ; c’est tout ce que je veux.

Middleton lui fit un signe d’assentiment, et alors suivit une nouvelle pause qui n’était interrompue de loin en loin que par des phrases décousues qui s’échappèrent des lèvres du vieillard. Il semblait avoir terminé ses comptes avec ce monde, et ne plus attendre que le dernier signal pour le quitter. Middleton et Cœur-Dur se placèrent des deux côtés de son siège, et observèrent avec une triste anxiété les variations de sa physionomie. Pendant deux heures il n’y eut presque pas d’altération sensible. L’expression de ses traits usés par le temps était celle d’un repos calme et paisible. De temps en temps il prenait la parole, proférant quelque courte maxime sous la forme d’avis, ou faisant quelques questions sur ceux auxquels il continuait à porter un vif intérêt. Tant que dura cette scène lugubre et solennelle, il n’y eut pas un Indien qui ne restait immobile à sa place avec une patience admirable. Lorsque le vieillard parlait, tous penchaient la tête pour écouter ; et lorsqu’il s’arrêtait, ils semblaient méditer sur la sagesse et l’utilité de ses paroles.

À mesure que l’huile de la lampe se consumait, la voix était plus étouffée, et il y avait des moments où ses amis doutaient s’il appartenait encore à la classe des vivants. Middleton, qui épiait le moindre changement qui s’opérait dans sa figure, avec l’intérêt d’un observateur attentif de la nature humaine, intérêt augmenté encore par l’affection qu’il portait au Trappeur, s’imagina qu’il distinguait sur sa physionomie ces efforts de l’âme qui cherche à s’envoler. Peut-être ce que le capitaine éclairé prenait pour une illusion de ses sens avait-il lieu effectivement, car qui est revenu de l’autre monde pour expliquer de quelle manière et par quels moyens il y a été introduit ? Sans prétendre expliquer ce qui doit toujours rester un mystère même pour les plus clairvoyants, nous nous bornerons à raconter les faits tels qu’ils sont arrivés.

Le Trappeur était resté presque sans mouvement pendant une heure entière. Ses yeux seuls s’étaient de temps en temps ouverts et refermés. Lorsqu’ils étaient ouverts, ils semblaient attachés sur les nuages transparents qui, à l’occident, se jouaient sur l’horizon, et où venaient se refléter les brillantes couleurs d’un coucher de soleil américain. L’heure, l’occasion, la beauté calme de la saison, tout se réunissait pour remplir les spectateurs d’un respect reli-