Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/48

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans qu’il y ait près d’elle quelque endroit préparé pour la recevoir.

— S’ils veulent transporter la troupe errante d’Ismaël jusqu’au pied des Montagnes Rocheuses, dit le jeune chasseur d’abeilles en riant avec une sorte d’amertume, je crois que je pourrais pardonner aux drôles.

— Paul ! Paul ! s’écria sa compagne d’un ton de reproche, vous oubliez tout ! Pensez aux conséquences terribles…

— Bon ! Hélène, c’est en pensant à ce que vous appelez les conséquences que je me suis laissé tranquillement arrêter par ce diable à peau rouge que je vois là-bas, au lieu de l’étendre à terre et de lui arracher sa chienne de vie ! C’est une lâcheté et une infamie qui est votre ouvrage, vieux Trappeur, et que la honte en retombe sur vous ! Mais, du reste, vous ne faites sans doute que votre métier, en prenant les hommes, aussi bien que les animaux, dans vos filets.

— Je vous en conjure, Paul, calmez-vous, montrez plus de raison.

— Eh bien ! Hélène, puisque vous le désirez, reprit le jeune homme en se mordant les lèvres, je tâcherai de me contenir, quoi qu’il m’en coûte ; car vous devez savoir que cela fait partie de la religion du Kentucky, de regimber un peu lorsqu’on a de l’humeur.

— Je crains bien que vos amis là-bas n’échappent pas aux regards des coquins ! dit le Trappeur avec autant de calme que s’il n’eût pas entendu un mot de ce qui venait de se dire. Ils sentent le butin de loin, et, une fois qu’ils sont sur la trace, ils la suivent avec la même ardeur qu’un chien qui s’élance sur la piste du gibier.

— N’y a-t-il donc rien à faire ? demanda Hélène d’un ton suppliant qui démontrait un intérêt véritable.

— Il me serait facile, répondit Paul, de pousser un cri assez fort pour faire tressaillir le vieil Ismaël dans son sommeil, et lui faire croire que les loups sont au milieu de son troupeau ; je puis me faire entendre à un mille de distance dans ces plaines ouvertes, et il n’est campé qu’à un quart de mille d’ici tout au plus.

— Oui, et vous faire assommer pour votre peine ! reprit le Trappeur. Non, non, il faut opposer la ruse à la ruse, ou les bandits massacreront la famille tout entière.

— La massacrer ! Oh ! non, c’est par trop fort ! Ismaël aime