Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/50

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dans la troupe. Les Indiens mirent pied à terre, et confièrent leurs chevaux à trois ou quatre d’entre eux, qui furent aussi chargés de la garde des prisonniers. Ils se formèrent alors en cercle autour d’un guerrier qui paraissait avoir l’autorité principale ; et à un signal donné ils s’éloignèrent du centre à pas lents et mesurés, en suivant des lignes droites et par conséquent divergentes. Bientôt la plupart de ces corps basanés se confondirent avec l’herbe foncée des Prairies. Seulement les captifs, qui suivaient d’un œil avide les moindres mouvements de leurs ennemis, apercevaient de temps en temps une forme humaine qui se dessinant sur l’horizon, quelque Indien sans doute qui se redressait de toute sa hauteur, pour pouvoir étendre plus au loin sa vue ; mais ces apparitions fugitives et momentanées ne tardèrent pas à cesser tout à fait, et l’incertitude vint ajouter à la crainte.

Ce fut ainsi que se passèrent bien des minutes lentes et pénibles, les prisonniers se figurant à chaque instant entendre le cri d’attaque poussé par les assaillants, et les cris de désespoir des assiégés. Mais il paraîtrait que la recherche qui se faisait avec tant d’activité fut infructueuse ; car au bout d’une demi-heure les Indiens commencèrent à revenir un à un, l’air morne et mécontent, comme des gens qui se voient trompés dans leur attente.

— C’est notre tour à présent, dit le Trappeur qui, toujours à l’affût, savait reconnaître au moindre indice les intentions des sauvages ; nous allons être interrogés ; et, si je ne me trompe pas sur notre position, je crois qu’il serait sage de charger l’un d’entre nous de répondre, pour éviter que nos témoignages ne se contredisent. Et qui plus est, si l’opinion d’un vieux chasseur de quatre-vingts ans vaut la peine qu’on y ait quelque égard, j’oserai dire que cet homme doit connaître à fond le caractère des Indiens ; et avoir aussi quelque idée de leur langue. — Jeune homme, savez-vous la langue des Sioux ?

— Distillez votre miel comme vous le voudrez, s’écria le chasseur d’abeilles, dont la mauvaise humeur était toujours la même ; vous êtes excellent pour pérorer, pour le reste vous n’êtes bon à rien.

— La jeunesse est imprudente et présomptueuse, repartit le Trappeur avec calme. Il y a eu un temps, jeune homme, ou mon sang était aussi trop vif et trop bouillant pour couler tranquillement dans mes veines. Mais à quoi bon parler de périls affrontés,