— Les Dahcotahs[1] sont des hommes ! s’écria fièrement le sauvage, la colère lui faisant oublier de soutenir son personnage, tandis qu’il reprenait le titre dont sa nation est le plus fière ; les Dahcotahs ne craignent rien ! Parlez ; quel objet vous amène si loin des habitations des visages pâles ?
— J’ai assisté à bien des conseils et au lever et au coucher du soleil, et jamais je n’ai entendu parler que des sages. Que vos chefs viennent, et ma bouche ne sera point fermée.
— Je suis un grand chef, dit le sauvage en affectant un air de dignité blessée. Me prenez-vous pour un Assiniboine[2] ? Wencha est un guerrier dont le nom est souvent cité, et dont la parole inspire la confiance.
— Suis-je donc aveugle pour ne point reconnaître un Teton de bois brûlé ? dit le Trappeur d’une voix ferme qui faisait beaucoup d’honneur à son sang-froid. Allez, il fait sombre, et vous ne voyez pas que mes cheveux sont gris.
L’Indien parut alors convaincu qu’il avait employé un artifice trop grossier pour tromper un vieillard aussi subtil que celui auquel il avait affaire, et il cherchait dans son esprit comment il s’y prendrait pour parvenir à ses fins, lorsqu’un léger mouvement qui s’opéra dans la troupe vint renverser toutes ses batteries. Il jeta les yeux derrière lui, comme s’il craignait d’être bientôt interrompu, et d’un ton beaucoup moins arrogant que celui qu’il avait pris d’abord :
— Donnez à Wencha le lait des Longs-Couteaux, et il chantera votre nom aux oreilles des grands hommes de sa tribu.
— Allez, dit le Trappeur d’un air dédaigneux, en lui faisant signe de la main de se retirer. Vos jeunes gens parlent de Mahtoree, — mes paroles sont pour les oreilles d’un chef.
Le sauvage jeta sur le vieillard un regard qui, malgré l’obscurité, exprimait assez clairement une haine implacable. Il se retira aussitôt et se glissa au milieu de ses compagnons, honteux du mauvais succès de sa feinte, et craignant qu’on ne vînt à découvrir la trahison qu’il avait méditée pour s’approprier une partie du butin, au préjudice du chef nommé par le Trappeur, et dont il avait appris aussi l’approche par la manière dont son nom passait de bouche en bouche. À peine avait-il disparu, qu’un guer-