Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/66

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que lui ? dit-il en anglais, mais d’un ton beaucoup plus élevé que celui sur lequel Wencha avait commence la conversation. Celui-ci s’en offensa, et saisissant son captif par le peu de cheveux gris qui s’échappaient de dessous son bonnet, il allait avec la lame de son couteau les lui couper jusqu’à la racine, lorsqu’un cri long et perçant fendit l’air, et, répété par mille échos, retentit comme si une légion d’esprits infernaux avaient réuni leurs poumons pour le pousser. Wencha lâcha prise et fit une exclamation de joie.

— Allons, s’écria Paul, incapable de contenir plus longtemps son impatience, allons, vieil Ismaël, voilà l’instant de se montrer ! fais voir que le sang du Kentucky coule dans tes veines. Enfants, tirez en bas, tirez à rase terre ; car les peaux rouges rampent sous l’herhe.

Mais sa voix se perdit au milieu des cris, des clameurs, des acclamations de toute espèce qui partirent en même temps de cinquante bouches différentes. Les gardiens seuls restèrent encore à leur poste auprès des prisonniers ; mais ce fut avec cette contrainte, cette impatience que manifestent les coursiers qui, placés à la barrière, n’attendent que le signal pour s’élancer dans l’arène. Ils agitaient les bras en l’air, sautaient, cabriolaient plutôt comme des enfants dans l’ivresse de la joie que comme des hommes raisonnables, et continuaient à pousser les cris les plus frénétiques et les plus sauvages.

Au milieu de ce désordre, un nouveau bruit se fit entendre, semblable à celui que pourrait produire le passage tumultueux d’une quantité de buffles, et en effet c’étaient les bestiaux d’Ismaël qui, ne formant qu’un seul troupeau confus, dirigeaient de leur côté leur fuite rapide.

— Ils ont volé à l’émigrant tout son bétail, dit le Trappeur attentif ; et ses chevaux aussi, Dieu me pardonne ! les enragés ne lui en ont pas laissé un seul dans son camp !

Il parlait encore lorsque la troupe tout entière des animaux effrayés grimpa la petite colline sur laquelle ils étaient restés, et passa rapidement contre eux, suivie d’une bande d’êtres à figures à peine humaines, qui, courant bride abattue, les talonnait par derrière.

L’impulsion s’était communiquée aux chevaux tetons, qui, habitués depuis longtemps à partager la fougueuse impatience de leurs maîtres, s’élançaient avec une rapidité qu’il était presque impossible de modérer. Dans ce moment où tous les yeux étaient