Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/69

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— Chacun sait le mieux les liens qui l’unissent à ses semblables, répondit-il, quoiqu’il soit bien à regretter que la couleur et le langage, la fortune et la science, établissent une si grande différence entre ceux qui, après tout, sont les enfants d’un même père. Toutefois, ajouta-t-il par une transition qui peignait son caractère, comme c’est une affaire dans laquelle il est beaucoup plus probable qu’il y aura des coups de donnés, qu’il n’est besoin d’un sermon, le mieux est de se préparer à ce qui peut arriver. — Chut ! il se fait un mouvement du côté du camp. Il est possible qu’on nous voie.

— La famille d’Ismaël approcherait-elle ? s’écria Hélène avec un tremblement de voix qui prouvait que l’approche de ses amis lui causait presque autant de frayeur que la présence des Sioux lui en avait inspiré auparavant. Partez, Paul, laissez-moi. Vous, du moins, il ne faut pas que vous soyez aperçu.

— Hélène, si je vous quitte dans ce désert avant de vous avoir remise saine et sauve sous la protection au moins du vieil Ismaël, puisse-je ne jamais entendre le bourdonnement d’une abeille, ou plutôt, ce qui est bien pis, puisse-je manquer de coup d’œil pour la suivre jusqu’à sa ruche !

— Vous oubliez ce bon vieillard. Il ne m’abandonnera pas. Ce n’est pas la première fois que nous nous séparons, Paul, et cette solitude est moins affreuse que celle…

— Jamais ! jamais ! ces Indiens n’auraient qu’à revenir, et alors que deviendriez-vous ? vous seriez entraînée vers les Montagnes Rocheuses, et déjà plus d’à moitié chemin avant qu’il fût possible de découvrir vos traces et de voler à votre secours. Qu’en dites-vous, vieux Trappeur ? Croyez-vous que ces Tetons, comme vous les appelez, tardent beaucoup à revenir pour s’approprier le reste des effets et des provisions d’Ismaël ?

— Pour ce qui est d’eux, vous pouvez être tranquille, répondit le vieillard en riant à sa manière ; je vous garantis que les scélérats en ont pour six heures à courir après les pauvres bêtes : mais, silence ! j’entends de nouveau du bruit dans les bas-fonds près des saules. Vite à terre ! enfoncez-vous dans l’herbe ! Comme je ne suis qu’un misérable morceau d’argile, j’ai entendu le bruit de la platine d’un fusil !

Le Trappeur ne laissa pas à ses compagnons le temps d’hésiter, mais les entraînant avec lui, il s’enfonça tout entier dans l’herbe de la Prairie. Il fut heureux que les sens du vieillard eussent