Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/76

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CHAPITRE VI.


C’est trop vétilleux, trop susceptible, trop affecté, trop bizarre, et je pourrais dire, je crois, trop étranger[1].
Shakspeare.



L’Anglo-Américain aime à se vanter, et ce n’est pas sans une apparence de raison, que sa nation a des titres bien mieux fondés à une origine honorable qu’aucun peuple dont l’histoire mérite quelque crédit. Quels qu’aient été les faibles des colons originaires, on leur a rarement contesté leurs vertus. Si leur piété n’était pas sans mélange de superstition, elle était sincère, et par conséquent ils étaient probes. Les descendants de ces hommes simples se sont plu à rejeter les moyens artificiels, communément en usage pour perpétuer les honneurs dans les familles, et ils y ont substitué une nouvelle base d’illustration, qui soumet chaque homme individuellement à l’épreuve de l’estime publique, en ayant aussi peu d’égards que possible à ceux qui l’ont précédé. Cette preuve de modération, d’abnégation de soi-même, ou de bon sens, suivant le nom qu’on voudra donner à cette mesure, a donné lieu de croire que la nation avait une basse origine. Mais si la chose valait la peine d’être recherchée, on verrait que les noms illustres de la mère-patrie se retrouvent en nombre au moins égal dans ces ci-devant colonies, et c’est un fait bien connu du peu de personnes qui ont eu assez de temps à perdre pour s’occuper de pareilles bagatelles, que les descendants directs de plus d’une famille près de s’éteindre, que l’aristocratie anglaise n’a pu soutenir qu’au moyen de branches collatérales, remplissent maintenant les simples devoirs de citoyens au sein de notre république. La ruche est toujours restée à la même place ; et les abeilles qui voltigent encore alentour réclament tous les jours la vaine distinction d’une antique origine, sans faire attention à la fragilité de leur demeure, non plus qu’aux jouissances des essaims nombreux et pleins de vie qui recueillent les sucs plus doux d’une terre encore vierge. Mais c’est un sujet qui est de la

  1. À la fois trop étrange, et trop étranger.