CHAPITRE VI.
Anglo-Américain aime à se vanter, et ce n’est pas sans une
apparence de raison, que sa nation a des titres bien mieux fondés
à une origine honorable qu’aucun peuple dont l’histoire mérite
quelque crédit. Quels qu’aient été les faibles des colons originaires,
on leur a rarement contesté leurs vertus. Si leur piété
n’était pas sans mélange de superstition, elle était sincère, et par
conséquent ils étaient probes. Les descendants de ces hommes
simples se sont plu à rejeter les moyens artificiels, communément
en usage pour perpétuer les honneurs dans les familles, et ils y
ont substitué une nouvelle base d’illustration, qui soumet chaque
homme individuellement à l’épreuve de l’estime publique, en
ayant aussi peu d’égards que possible à ceux qui l’ont précédé.
Cette preuve de modération, d’abnégation de soi-même, ou de
bon sens, suivant le nom qu’on voudra donner à cette mesure,
a donné lieu de croire que la nation avait une basse origine. Mais
si la chose valait la peine d’être recherchée, on verrait que les
noms illustres de la mère-patrie se retrouvent en nombre au moins
égal dans ces ci-devant colonies, et c’est un fait bien connu du
peu de personnes qui ont eu assez de temps à perdre pour s’occuper
de pareilles bagatelles, que les descendants directs de plus
d’une famille près de s’éteindre, que l’aristocratie anglaise n’a
pu soutenir qu’au moyen de branches collatérales, remplissent
maintenant les simples devoirs de citoyens au sein de notre république.
La ruche est toujours restée à la même place ; et les
abeilles qui voltigent encore alentour réclament tous les jours la
vaine distinction d’une antique origine, sans faire attention à la
fragilité de leur demeure, non plus qu’aux jouissances des
essaims nombreux et pleins de vie qui recueillent les sucs plus
doux d’une terre encore vierge. Mais c’est un sujet qui est de la
- ↑ À la fois trop étrange, et trop étranger.