Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/95

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vers une vaste étendue de Prairie, les chariots pesamment chargés, sans autre secours pour se guider sur la route que les explications que le Trappeur leur avait données de son mieux. Si les hommes étaient obligés de déployer toute leur force, les femmes et les enfants ne restaient pas non plus oisifs ; et tandis que les fils d’Ismaël, les bras tendus et le corps plié, traînaient péniblement les chariots, et s’efforçaient de monter la colline voisine, Hélène et leur mère, entourées d’un groupe de petits enfants, les suivaient lentement par derrière, ployant chacun sous le poids d’un fardeau proportionné à son âge et à ses forces.

Ismaël surveillait et dirigeait tout lui-même ; si quelque chariot se trouvait en retard, il y appliquait aussitôt sa vigoureuse épaule, et il accompagna ainsi le convoi jusqu’à ce qu’arrivés sur la hauteur, ses fils n’eurent plus à suivre qu’une route plate et unie. Il leur indiqua alors la direction qu’ils devaient suivre, leur recommanda de ne point prendre de relâche, de peur de perdre l’avantage qu’ils avaient obtenu avec tant de peine ; puis, faisant signe à son beau-frère de le suivre, ils retournèrent ensemble au camp.

Pendant toute la durée de ce mouvement qui exigea près d’une heure, le Trappeur était resté à l’écart, appuyé sur sa carabine, son vieux chien sommeillant à ses pieds. Il observait en silence, et un sourire déridait parfois cette figure mince par le temps, comme un rayon de soleil perce à travers de vieilles ruines, muet indice du plaisir qu’il éprouvait à voir se déployer la force gigantesque des jeunes émigrants. Mais à mesure que les chariots montaient lentement la colline, cette physionomie animée se rembrunit insensiblement, et reprit la teinte de gravité qui lui était habituelle. Au départ de chacun des voyageurs, son attention semblait redoubler, et ses regards se reportaient de temps en temps sur la petite tente qui était toujours à l’écart, ainsi que le chariot sur lequel elle avait été apportée, et qui semblait être oubliée. Mais le Trappeur vit bientôt que l’appel fait par Ismaël à son compagnon avait pour objet cette partie mystérieuse de leur mobilier.

Commençant par jeter un regard de défiance tout autour de lui, Ismaël et son beau-frère s’approchèrent du chariot et le firent entrer dans l’enceinte de la tente, à peu près de la même manière qu’ils l’en avaient retiré la veille. Ils disparurent ensuite l’un et l’autre derrière la draperie, et pendant les longues minutes d’at-