Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/10

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sait, aux yeux de nos ancêtres européens, destiné à servir d’abri aux flottes, et à nourrir une masse de marins robustes et expérimentés. Quoique cette dernière prédiction n’ait pas été entièrement démentie par l’événement combien peu la réalité a répondu à l’attente, relativement à la première ! Un heureux rival s’est élevé jusque dans le voisinage immédiat de ce favori apparent que la nature, pour déjouer tous les calculs de la sagacité commerciale, et ajouter une nouvelle preuve à toutes celles qui attestaient déjà que — la sagesse humaine n’est que folie.

Il est peu de villes de quelque importance, dans l’étendue de nos vastes territoires, qui ait aussi peu changé en un demi-siècle que Newport. Jusqu’à ce que les immenses ressources de l’intérieur fussent développées, la belle île sur laquelle cette ville est située était choisie pour retraite par les nombreux planteurs qui venaient du sud chercher un abri contre les chaleurs et les maladies de leurs climats brûlans. C’est là qu’ils se rendaient en foule pour respirer l’air fortifiant des brises de la mer. Sujets d’un même gouvernement, les habitans de la Caroline et de la Jamaïque s’y réunissaient amicalement pour comparer leurs mœurs et leurs constitutions respectives, et pour s’affermir réciproquement dans une illusion commune, que leurs descendans à la troisième génération commencent aujourd’hui à reconnaître et à regretter.

Ces relations ont laissé sur la postérité simple et sans expérience des puritains leurs impressions naturelles avec toutes les conséquences bonnes on mauvaises. Les habitans du pays, tout en puisant dans ces liaisons une partie de ces manières douces et aimables qui distinguaient si éminemment ceux des colonies anglaises du sud, ne manquèrent point de se pénétrer en même temps de ces idées particulières sur la distinction des races humaines, idées qui ne forment pas un trait moins saillant de leur caractère. Rhode-Island fut la première des provinces de la Nouvelle-Angleterre à s’écarter dans ses mœurs et ses opinions de la simplicité de ses fondateurs. Ce fut elle qui porta le premier coup à ces manières rigides et grossières qui étaient regardées autrefois comme les compagnes nécessaires de la vraie religion, comme une espèce de gage extérieur qui garantissait la santé de l’homme intérieur, et ce fut elle aussi qui se départit la première, d’une manière sensible, de ces principes salutaires qui