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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/168

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marin fut obligé, bien malgré lui, de couper court à une conversation qu’il aurait volontiers continuée jusqu’au moment où il devait reprendre, des mains du pilote, le commandement du navire. L’ancre venait d’être levée, et les matelots s’occupaient déjà de déployer les voiles. Wilder travailla lui-même à cette manœuvre avec une sorte d’agitation fébrile, et répétant les ordres nécessaires que donnait le pilote, il en surveilla lui-même l’exécution immédiate.

À mesure que les voiles tombaient successivement des vergues et se déployaient par un mécanisme compliqué, l’intérêt qu’un marin prend toujours à son navire commença à l’emporter sur tout autre sentiment. Toutes les voiles étaient alors étendues, depuis celles des perroquets jusqu’aux plus basses ; le navire avait sa proue tournée vers la sortie du port, et notre aventurier avait probablement oublié, pour un moment à la vérité, qu’il était étranger au milieu de l’équipage dont il avait été nommé commandant d’une manière si extraordinaire, et que de grands intérêts étaient confiés à sa fermeté et à sa résolution. Lorsque tous les agrès furent convenablement disposés de haut en bas, et que le bâtiment fut mis sous le vent, son œil examina toutes les voiles et toutes les vergues, depuis la pomme de girouette jusqu’au pont, et il finit par jeter un regard sur les côtés extérieurs du navire, pour s’assurer qu’il ne restait pas même dans l’eau le moindre cordage qui pût en gêner le mouvement. Une petite barque, montée par un enfant, était à la toue, du côté opposé au vent, et, lorsque le bâtiment commença à se mouvoir, il la vit fendre la surface de l’eau aussi légèrement que si c’eût été une plume. S’apercevant qu’elle ne faisait point partie de celles du vaisseau, Wilder s’avança pour demander à qui elle appartenait : un sous-officier lui montra Joram, qui remontait en ce moment de l’intérieur du navire, où il avait été régler un compte avec ce qu’il appelait un délinquant, c’est-à-dire un débiteur prêt à partir.

La vue de cet homme rappela au souvenir de Wilder tout ce qui s’était passé pendant cette matinée et lui fit sentir combien était délicate la tâche dont il avait entrepris de s’acquitter. Nulle émotion semblable ne parut troubler l’aubergiste, dont les idées semblaient toujours se concentrer sur un seul point, le moyen de gagner de l’argent. Il s’approcha du jeune marin, le salua en lui donnant le titre de capitaine, et lui souhaita un bon voyage