Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/178

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ture et de l’étendue du danger que l’on courait, s’il pouvait y avoir quelque danger dans le contact qui paraissait devoir avoir lieu incessamment entre deux navires flottans dans une eau parfaitement calme, dont l’un était immobile, et dont l’autre n’avait qu’un mouvement presque imperceptible. L’air ferme et déterminé qu’elle remarqua sur le front du jeune marin excita en elle une inquiétude qu’elle n’aurait peut-être pas éprouvée sans cela, dans des circonstances qui n’offraient en elles-mêmes rien qui dût paraître bien dangereux.

— Avons-nous quelque chose à craindre, monsieur ? lui demanda la gouvernante en tâchant de cacher à sa jeune compagne la nature de sa propre inquiétude.

— Je vous ai dit, madame, répondit Wilder, que la Caroline était un navire malencontreux.

Les deux dames regardèrent le sourire amer avec lequel Wilder fit cette réponse, comme de mauvais augure, et Gertrude s’appuya sur le bras de sa compagne, comme sur celui d’une femme sur laquelle elle avait appris depuis long-temps à compter.

— Pourquoi les marins du négrier ne se montrent-ils pas pour nous aider, pour nous empêcher d’en approcher de trop près ? demanda Mrs Wyllys avec inquiétude.

— Sans doute, pourquoi ne se montrent-ils pas ? Mais nous les verrons, je présume, et avant qu’il soit long-temps.

— Votre ton et votre air, jeune homme, feraient croire que vous pensez que cette entrevue ne sera pas sans danger.

— Tenez-vous près de moi, répondit Wilder d’une voix presque étouffée par la manière dont il serrait les lèvres ; En tout événement, tenez-vous aussi près de moi qu’il vous sera possible.

— Levez le gui de baume du côté du vent ! s’écriait le pilote. — Mettez barque en mer et faites virer le navire en le touant ! — dégagez l’ancre de touée ! — bordez le foque ! — amurez la grande voile !

Les marins étonnés restaient comme des statues, ne sachant de quel côté tourner, les uns criant aux autres de faire ceci ou cela, tandis que d’autres donnaient en même temps des ordres contraires. Enfin quelqu’un s’écria d’un ton calme, mais ferme et imposant :

— Silence sur le vaisseau !

Ces mots furent prononcés de ce ton qui annonce que celui qui parle conserve tout son sang-froid, et qui ne manque jamais d’in-