Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/208

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— Précisément. Personne ne peut répondre du temps. Nos gens sont à peine dans leurs hamacs ; faites-les lever sur-le-champ, monsieur, avant que leurs yeux se soient appesantis, et nous tournerons la proue du bâtiment de l’autre côté.

Le lieutenant fit entendre à l’instant le cri bien connu qui appelait le quart sous le pont pour venir aider leurs camarades. Aucun délai n’eut lieu, et pas un mot ne fut prononcé autre que les ordres que Wilder jugea à propos de donner lui-même brièvement et d’un ton d’autorité. N’étant plus pressé contre le vent, le navire, obéissant au gouvernail, commença à détourner sa proue des vagues, et à porter le vent en travers. Alors, au lieu d’avoir à gravir et à vaincre des montagnes sans fin, il tomba en travers à la lame, et se releva comme un coursier qui, étant parvenu sur le sommet d’une colline, continue sa marche avec un redoublement de vitesse. Pendant un instant le vent parut s’être endormi ; mais le large sillon d’écume qui roulait de chaque côté du bâtiment annonçait assez qu’il fendait les vagues devant la brise. Un moment après les grands mâts commencèrent à s’incliner de nouveau vers l’ouest, et le vaisseau venant au vent renouvela ses efforts, et soutint le choc des vagues avec autant de force qu’auparavant.

Lorsque toutes les vergues et toutes les voiles furent arrangées comme l’exigeait la nouvelle position du navire, Wilder se retourna avec empressement pour chercher à voir l’autre vaisseau ; il perdit une minute à s’assurer de l’endroit précis où il devait le trouver, car dans un tel chaos d’eau, et sans autre guide que le jugement, l’œil pouvait aisément se tromper en consultant les objets plus voisins et plus familiers dont il était environné.

— Le vaisseau a disparu, dit Earing d’une voix dans l’accent de laquelle le courage et la méfiance se manifestaient d’une manière singulière en même temps.

— Il devrait être de ce côté ; mais j’avoue que je ne le vois pas.

— Oui, oui, monsieur ; c’est ainsi, dit-on, que le croiseur nocturne du cap de Bonne-Espérance paraît et disparaît. Il y a des gens qui ont vu ce vaisseau entouré d’un brouillard, par une belle nuit aussi étoilée qu’on en ait jamais vu dans les latitudes méridionales. Cependant ce navire ne peut être le Hollandais ; il y a trop loin du cap de Bonne-Espérance aux côtes septentrionales de l’Amérique.