Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/251

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pénible comme quelqu’un dont la respiration avait été forcément suspendue.

— Ils sont partis ! dit à son tour la gouvernante en jetant un coup d’œil où se peignait toute sa sollicitude sur l’immobile Gertrude ; il n’y a plus d’espoir.

Le coup d’œil que Wilder jeta à son tour sur la statue muette, mais charmante, était à peine moins expressif que le regard de celle qui avait formé la jeune intelligence de la riche héritière. Son front devint pensif, ses lèvres se serrèrent, tandis qu’il rassemblait dans son esprit toutes les ressources de son imagination fertile et de sa longue expérience, en se livrant à de profondes et importantes réflexions.

— Y a-t-il quelque espoir ? demanda la gouvernante qui observait avec une attention soutenue le moindre changement de physionomie de celui qui était alors leur unique appui.

Le nuage qui obscurcissait le front de Wilder se dissipa, et le sourire qui brilla sur son visage ressemblait aux rayons du soleil, quand il perce les plus épaisses vapeurs du tourbillon qui le dérobe aux yeux.

— Il y en a, dit-il avec assurance ; notre position est loin d’être désespérée.

— Alors puisse celui qui gouverne le ciel et la mer recevoir mes actions de grâces ! s’écria la pieuse gouvernante en soulageant par un torrent de larmes une agonie de douleur concentrée depuis long-temps.

Gertrude se jeta au con de Mrs Wyllys, et pendant quelques instans les deux amies se tinrent étroitement embrassées.

— Et maintenant, ma chère dame, dit Gertrude en s’arrachant des bras de sa gouvernante, confions-nous l’habileté de M. Wilder. Il a prévu et prédit ce danger ; pourquoi ne le croirions-nous pas, maintenant qu’il prédit notre délivrance ?

— Prédit et prévu ! reprit Mrs Wyllys de manière à montrer que sa confiance dans la prescience de Wilder n’était pas tout-à-fait aussi illimitée que celle de sa jeune et ardente compagne. Aucun mortel n’eût pu prévoir ce terrible malheur, et jamais, certes, s’il l’eût prévu, il n’aurait en la pensée de s’y exposer volontairement. Monsieur Wilder, je ne veux pas vous importuner en vous demandant des explications qui maintenant pourraient être inutiles. Mais vous ne me refuserez pas de me communiquer vos motifs d’espérance.