Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/291

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vous avez déjà vu la mer avant cette traversée, vous pourrez peut-être vous rappelez le nom du vaisseau et quelques autres petites particularités du voyage ?

Notre héroïne changea de couleur aussi rapidement qu’on voit le ciel du soir rougir et reprendre sa teinte argentine ; mais elle eut assez d’empire sur elle-même pour répondre de l’air du calme le plus parfait.

— Si j’entrais dans tous ces petits détails, cela vous ferait perdre de vue des objets plus dignes de vous. Peut-être ce certificat vous convaincra-t-il que je ne suis pas novice sur la mer.

Tandis qu’elle parlait une guinée tomba de sa blanche main dans celle que lui présentait l’homme qui l’interrogeait.

— Je ne puis concevoir que je n’aie pas reconnu madame, et je ne puis l’expliquer que par l’étendue et l’importance de mes occupations, répondit l’audacieux flibustier en s’inclinant avec une politesse grossière, tout en mettant l’offrande dans sa poche. Si j’avais consulté mes livres avant de venir à bord de ce vaisseau, j’aurais découvert tout de suite ma méprise ; car je me rappelle à présent que j’ordonnai à un de mes peintres en miniature de copier vos jolis traits, pour que je puisse les montrer chez moi à ma femme. Le brave garçon le fit assez bien dans l’écaille d’une huître des Indes orientales. J’en ferai faire une belle copie que j’enverrai à votre mari quand vous jugerez convenable d’en prendre un.

Alors, après avoir répété son salut en traînant son pied en arrière, il se tourna vers la gouvernante afin de continuer son examen.

— Et vous, madame, dit-il, est-ce la première fois que vous venez de mes domaines ?

— Ce n’est ni la première ni la vingtième fois ; j’ai vu bien souvent votre majesté.

— Une vieille connaissance ! Et sous quelle latitude nous sommes-nous rencontrés pour la première fois ?

— Je crois que ce fut sous l’équateur, il y a trente ans bien révolus.

— Oui, oui, je suis souvent là à guetter les vaisseaux de la compagnie des Indes et de vos marchands du Brésil qui retournent dans leur pays. J’en visitai en très grand nombre dans l’année dont vous me parlez, mais je ne puis dire que je me rappelle vos traits.