Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/313

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— En Amérique, où nous pourrions trouver une retraite sûre et paisible dans quelque lieu retiré.

— Voudriez-vous qu’un homme qui a si long-temps vécu en prince parmi les siens allât mendier sur une terre étrangère ?

— Mais vous avez de l’or. Ne sommes-nous pas maîtres ici ? Qui oserait surveiller nos mouvemens, jusqu’à ce qu’il nous plût de nous dépouiller nous-mêmes de l’autorité dont nous sommes revêtus ? Tout pourrait être fait avant minuit.

— Et seuls ? Consentiriez-vous à partir seul ?

— Non… pas entièrement… c’est-à-dire… Il serait indigne de nous, comme hommes, d’abandonner les femmes à la brutalité de ceux que nous laisserions après nous.

— Et serait-il plus digne de nous d’abandonner ceux qui ont mis en nous leur confiance ? Monsieur Wilder, je serais le dernier des misérables, si j’acceptais votre proposition ! Homme sans loi, suivant l’opinion du monde, jamais du moins je ne serai traître à ma foi et à la parole que j’ai donnée. L’heure peut venir où ceux qui n’ont d’autre patrie que ce vaisseau se sépareront ; mais cette séparation doit être franche et volontaire. Vous n’avez jamais su ce qui m’avait attiré au milieu des habitations de l’homme, lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois dans la ville de Boston ?

— Jamais, répondit Wilder avec l’expression marquée du désappointement.

— Écoutez, et vous le saurez. Un de nos compagnons était tombé dans les mains des suppôts de la justice. Il était nécessaire de le sauver. C’était un homme que j’aimais peu, mais qui, suivant sa manière de voir, avait toujours été honnête. Je ne pouvais l’abandonner à son malheureux sort, et il n’y avait que moi qui pût le sauver. J’y réussis en employant l’or et la ruse ; et cet homme est maintenant ici, à chanter les louanges de son commandant à l’équipage. Pourrais-je compromettre une réputation acquise au prix de tant de dangers ?

— Vous renonceriez à la bonne opinion de coquins, pour vous concilier l’estime de ceux dont les éloges sont réellement honorables ?

— Je ne sais. Vous connaissez peu le caractère de l’homme, si vous êtes encore à apprendre qu’il met de la gloire à soutenir une réputation acquise même à force de vices, lorsque ces vices l’ont