Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/338

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que de coutume se mêlaient à ses prières ; mais c’est un voile qu’il ne nous appartient pas de soulever. Un cœur si pur et si naïf est un sanctuaire qui ne peut renfermer que des sentimens vertueux.

Pendant plusieurs jours le vaisseau lutta contre les vents stables de ces régions. Au lieu de tâcher, comme un vaisseau marchand pesamment chargé, de gagner quelque port, le Corsaire changea tout à coup sa course, et se dirigea à travers un des nombreux passages qui s’offraient à lui, avec l’assurance d’un oiseau qui regagne son nid. Cent voiles différentes se montrèrent au milieu des îles ; mais toutes furent également évitées, la politique des flibustiers leur apprenant la nécessité de la prudence dans une mer si remplie de vaisseaux de guerre.

Après que le vaisseau eut cinglé à travers un des détroits qui divisent la chaîne des Antilles, il arriva sur le vaste océan qui les sépare du continent espagnol. Du moment que ce passage eut été effectué et qu’un vaste et clair horizon s’étendit de tous côtés autour d’eux, il se fit un changement marqué dans les traits de toutes les personnes de l’équipage. Le front du Corsaire lui-même reprit sa sérénité ; son air d’inquiétude et la réserve dont il s’était enveloppé disparurent, et il redevint cet être insouciant et fantasque que nous avons essayé de faire connaître. Les matelots même, dont la vigilance n’avait pas eu besoin d’aiguillon en passant dans ces parages fréquentés par de nombreux croiseurs, semblèrent respirer un air plus libre, et les accens de la joie et d’une folle gaîté succédèrent à la tristesse et à la méfiance qui avaient régné pendant si long-temps sur le vaisseau.

D’un autre côté, la gouvernante vit un nouveau sujet d’alarme dans la direction que suivait le navire. Tant que les îles furent en vue, elle avait espéré, et avec toute apparence de raison, que celui qui les retenait prisonnières n’attendait qu’une occasion favorable pour les déposer en sûreté dans un lien soumis aux lois de quelques-uns des gouvernemens coloniaux. Elle s’était convaincue par ses propres observations qu’il y avait tant de bonnes et presque de nobles qualités, mêlées à tout ce qu’on pouvait reprocher aux deux principaux personnages du vaisseau, qu’elle ne voyait rien qui pût lui faire craindre que cette attente fût illusoire. Même les récits du temps, dans lesquels étaient racontés les coups de main et les entreprises désespérées du flibustier, avec les embellissemens d’usage en pareil cas, ne laissaient pas de ren-