Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/362

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Le changement subit qui se fit dans la voix du Corsaire fit trembler tous ceux qui l’entendaient. Le mécontentement et la menace étaient dans son accent, et chacun leva les yeux pour voir sur la tête de qui l’indignation du chef allait tomber. Comme rien n’obstruait la vue que des mâts dégarnis et des cordages repliés, tout le monde fut, au même instant, instruit de la vérité. Fid était debout sur le haut du mât qui dépendait de la partie du vaisseau où était son poste, et la voile en question flottait au gré du vent, toutes les drisses ayant été détachées. Le bruit que faisait la voile l’avait probablement empêché, d’entendre la voix du capitaine, car, au lieu de faire attention et de répondre au cri dont nous venons de parler, il semblait contempler son ouvrage d’un air de complaisance, plutôt que de montrer aucune inquiétude de l’effet qu’il produisait sur ceux qui étaient au-dessous de lui ; mais, malgré toute sa préoccupation, il lui fut impossible de ne pas entendre une seconde question prononcée d’une voix trop terrible pour ne pas arriver jusqu’à lui.

— Par l’ordre de qui avez-vous osé déployer cette voile ? demanda le Corsaire.

— Par l’ordre du vent, qui est un roi auquel le meilleur marin doit obéir, lorsqu’une bourrasque prend le dessus.

— Ferlez-la ! Montez tous et qu’on la ferle à l’instant même ! s’écria le chef en colère. Qu’on la ferle et qu’on fasse descendre le drôle qui a osé reconnaître une autre autorité que la mienne sur ce vaisseau, fût-ce même celle d’un ouragan !

Une douzaine de matelots agiles montèrent pour aller aider Fid. En un instant la voile fut repliée, et, Richard se dirigeait vers la poupe. Pendant ce court intervalle, le front du Corsaire était sombre et terrible comme la surface de l’élément sur lequel il vivait, lorsqu’elle était agitée par la tempête. Wilder, qui, jusqu’alors, n’avait jamais vu son nouveau commandant dans une pareille colère, commença à trembler pour son ancien camarade, et il se prépara, en voyant ce dernier approcher, à intercéder en sa faveur, si les circonstances paraissaient exiger son entremise.

— Et qu’est-ce que cela veut dire ? demanda le chef au coupable d’un ton sévère. Comment se fait-il que vous, que j’ai eu si récemment sujet de féliciter, vous ayez osé déployer une voile, dans un moment où il est important de laisser le vaisseau nu.

— Si j’ai trop détendu la garcette, votre honneur, répondit