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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/393

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blant d’efforts pour faire avancer la pinasse. Une minute ensuite, nos aventuriers étaient tous en sûreté sous la protection des canons du Dauphin.

D’après les éclairs de fierté qui étincelaient dans les yeux du Corsaire lorsque son pied foula de nouveau le pont de son bâtiment, tout l’équipage conclut qu’on touchait au moment de quelque action importante. Il resta un instant sur le gaillard d’arrière, examinant avec une sorte de satisfaction et d’orgueil tout ce qui était soumis à ses ordres absolus ; puis, sans dire un mot à personne, il descendit brusquement dans sa cabine, soit qu’il oubliât qu’il l’avait cédée à d’autres, soit que, dans l’état d’exaltation de son esprit, il s’en inquiétât peu. Les dames, en raison des relations amicales qui semblaient régner entre les deux navires, s’étaient hasardées à sortir de leur retraite secrète, lorsqu’un coup soudain frappé sur le gong leur annonça non-seulement la présence du Corsaire, mais encore son humeur.

— Qu’on dise au premier lieutenant que je l’attends, dit-il d’un ton sévère à l’homme qui arriva pour prendre ses ordres.

Pendant le court espace de temps qui s’écoula avant qu’on eût pu obéir à cette injonction, le Corsaire sembla lutter contre une émotion qui l’étouffait. Mais, quand la porte de sa cabine s’ouvrit et que Wilder parut devant lui, l’observateur le plus soupçonneux et le plus pénétrant aurait cherché en vain quelque signe de la colère bouillante dont son cœur était véritablement transporté. En recouvrant son empire sur lui-même, il se souvint de la manière dont il venait d’entrer dans un lieu qu’il avait ordonné lui-même qu’on regardait comme privilégié. Ce fut alors que ses yeux cherchèrent les deux dames effrayées, et il se hâta de calmer la terreur qui n’était que trop visiblement empreinte sur leur physionomie, en leur adressant quelques mots d’excuse et d’explication.

— Pressé d’avoir une entrevue avec un ami, dit-il, je puis avoir oublié que j’ai chez moi des dames que je me fais un bonheur d’y recevoir, quoique je ne puisse leur faire qu’un accueil bien peu digne d’elles.

— Épargnez-vous les excuses, monsieur, dit Mrs Wyllys avec dignité. Et, pour que cette interruption ne nous surprenne pas, ayez la bonté d’agir ici en maître.

Le Corsaire pria les dames de s’asseoir ; et ensuite, en homme qui semblait penser que l’occasion pouvait permettre de s’écarter