Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/399

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me trouverai en présence du commandant du vaisseau que vous venez de nommer, je lui apprendrai qui vous êtes.

— Je m’y attends.

— Et mon bras ne restera pas oisif pendant l’engagement qui doit en résulter. Je puis mourir ici, victime de ma méprise ; mais aussitôt que je suis en liberté, je deviens votre ennemi.

— Wilder, s’écria le Corsaire en lui saisissant la main avec un sourire analogue à la singularité étrange de ce geste, nous aurions dû nous connaître plus tôt ! Mais les regrets sont inutiles. Partez ! Si mes gens venaient à apprendre la vérité, toutes mes remontrances seraient comme des paroles prononcées à voix basse au milieu d’un ouragan.

— Lorsque je vins abord du Dauphin, je n’étais pas seul.

— N’est-ce donc pas assez, dit le Corsaire avec froideur et en reculant d’un pas, que je vous offre la liberté et la vie ?

— De quelle utilité de malheureuses femmes sans forces, sans courage, peuvent-elles être à bord d’un navire dévoué aux aventures que cherche le Dauphin ?

— Et dois-je donc être privé pour toujours de toute relation avec ce qu’il y a de mieux dans mon espèce ? Partez, monsieur, et laissez-moi du moins l’image de la vertu, si je suis privé de sa substance.

— Capitaine Heidegger, dans la chaleur d’un sentiment louable vous m’avez fait une promesse en faveur de ces deux dames, et j’espère qu’elle partait du cœur.

— Je vous entends, monsieur ; ce que je vous ai dit alors je ne l’ai pas oublié, je ne l’oublierai pas ; mais où conduiriez-vous vos compagnes ? Ne sont-elles pas aussi en sûreté ici que partout ailleurs sur la surface des mers ? Dois-je être dépouillé de tout moyen de me faire des amis ? Laissez-moi, monsieur, partez : pour peu que vous tardiez, la permission que je vous en donne pourrait ne plus vous être d’aucune utilité.

— Je n’abandonnerai jamais le dépôt dont je me suis chargé, répondit Wilder avec fermeté.

— Monsieur Wilder, ou je devrais plutôt, je crois, dire lieutenant Arche, répliqua le Corsaire, vous pouvez vous jouer de mes bonnes intentions jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour vous d’en profiter.

— Faites de moi ce qu’il vous plaira : je meurs à mon poste, ou je pars avec celles que j’ai accompagnées ici.