Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/403

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n’ai que trop mérité en désobéissant à un père tendre, quoique trop rigoureux ?

— Nul ne doit être assez présomptueux pour sonder les mystères de la juste Providence. Il nous suffit d’apprendre à nous soumettre à la volonté de celui qui gouverne, sans mettre en question sa justice.

— Mais, continua la gouvernante d’une voix étouffée, qui montrait combien était forte la tentation qu’elle éprouvait d’oublier la leçon qu’elle venait de recevoir, une seule vie ne pouvait-elle suffire ? Devais-je être privée de tout en même temps ?

— Réfléchissez, madame ; tout ce qui est arrivé a été ordonné par une sagesse, et, comme je dois le croire, par une merci infinie.

— Vous avez raison. Je ne songerai plus à ces événemens funestes que pour m’en faire l’application. Et vous, digne et bon Merton, qu’êtes-vous devenu depuis le temps dont nous parlons ?

— Je ne suis que l’humble et pauvre berger d’un troupeau peu soumis, répondit l’aumônier en soupirant. J’ai parcouru bien des mers éloignées, et vu dans mes voyages bien des visages nouveaux et des caractères qui l’étaient encore plus pour moi. Des Indes orientales je suis revenu depuis peu dans l’hémisphère où j’ai reçu le jour, et par permission de mes supérieurs je suis venu passer un mois sur le vaisseau d’un ancien compagnon ; car l’amitié qui m’unit au capitaine Bignall remonte encore plus haut que la nôtre.

— Oui, oui, madame, répondit le digne Bignall qui n’avait pu se défendre d’un peu d’émotion pendant cette scène ; il y a près d’un demi-siècle que le ministre et moi nous étions camarades d’école ; et nous avons échangé bien des anciens souvenirs pendant cette croisière. Je me trouve heureux qu’une dame douée de qualités si estimables soit venue embellir encore notre réunion.

— Cette dame est la fille de feu le capitaine, et la veuve du fils de notre ancien commandant, le contre-amiral de Lacey, reprit à la hâte l’aumônier, comme s’il eût su qu’il pouvait compter sur l’honneur et les bonnes intentions de son ami, plus que sur sa discrétion.

— J’ai connu l’un et l’autre, et tous deux étaient pleins de bravoure et excellens marins. Madame était la bien venue comme