Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/55

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de grâce, et sa voix, comme celle de son élève, douce et tout à fait féminine.

— Nous pouvons donc regarder la victoire comme remportée, comme le disait mon mari le contre-amiral. L’amiral de Lacey, ma chère Mrs Wyllys, adopta de bonne heure une maxime qui dirigea toute sa conduite, et ce fut en s’y conformant qu’il acquit une assez bonne part de la réputation dont il jouissait dans la marine ; cette maxime, c’est que pour réussir il ne faut que le bien vouloir ; pensée noble et énergique ; et qui ne pouvait manquer de le conduire à ces résultats marqués, que je n’ai pas besoin de vous rappeler, puisque nous les connaissons tous.

Mrs Wyllys fit un signe de tête pour rendre témoignage à la justesse de cette opinion et à la renommée du défunt amiral ; mais elle ne crut pas nécessaire de répondre, et changeant de sujet, elle se tourna vers sa jeune élève et lui dit d’un ton d’où était bannie toute contrainte :

— Gertrude, ma chère amie, vous aimerez à revenir dans cette île charmante, près de ces brises délicieuses.

— Et surtout près de ma tante, s’écria Gertrude. Je voudrais qu’on pût persuader à mon père de disposer de ses propriétés à la Caroline, et de venir dans le Nord pour y résider toute l’année.

— Il n’est pas aussi facile à un riche propriétaire de se déplacer que vous l’imaginez, mon enfant ; répondit mistress de Lacey. Quelque désir que j’aie qu’un pareil plan puisse se réaliser, je ne presse jamais mon frère à ce sujet. D’ailleurs je suis portée à croire que s’il se faisait quelque nouveau déplacement dans notre famille, ce serait pour retourner tout-à-fait chez nous. Il y a maintenant plus d’un siècle, Mrs Wyllys, que les Graysons sont établis aux colonies. Mon bisaïeul, sir Everard, était brouillé avec son second fils, et cette querelle porta mon grand-père à venir se fixer à la Caroline ; mais comme l’affaire est apaisée depuis long-temps, je pense souvent que mon frère et moi nous pourrions retourner aux foyers de nos ancêtres ; cela dépendra beaucoup de la manière dont nous disposerons de notre trésor de ce côté de l’Atlantique.

En finissant ces observations, mistress de Lacey, qui avait un bon cœur, quoiqu’elle eût peut-être un peu trop d’amour-propre, jeta un regard sur celle qui était le trésor auquel elle venait de faire allusion. Gertrude s’était détournée, comme elle le faisait