Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/84

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tre avec un sourire expressif, tandis qu’il fixait de nouveau sur son hôte un regard étincelant qui força Wilder à baisser les yeux ; il est rare qu’ils m’importunent de leurs ordres ou de leurs recommandations.

— Ils sont commodes. Je vois qu’ils n’ont pas oublié les pavillons en équipant votre vaisseau. Vous permettent-ils aussi d’arborer celui qui vous plaît le mieux ?

Au moment où cette question fut faite, les regards expressifs des deux marins se rencontrèrent. Le capitaine tira un pavillon du tiroir entr’ouvert où Wilder les avait aperçus, et le déroulant tout entier, il répondit :

— Voilà les lis de France, comme vous voyez, assez juste emblème de vos Français sans tache ; écu de prétention pur de toute souillure, mais un peu flétri pour avoir trop servi[1]. Voici le Hollandais calculateur, simple, substantiel et peu cher. C’est un pavillon qui est peu de mon goût. Si le bâtiment a de la valeur, il est rare que les propriétaires veuillent le céder à moins d’un bon prix. Voici votre bourgeois fanfaron de Hambourg. Il n’a qu’une ville, et il l’étale au milieu de ses tours. Quant au reste de ses vastes possessions, il a la sagesse de n’en point parler dans son allégorie. Voici le croissant de la Turquie, nation lunatique qui se croit l’héritière du ciel : qu’ils jouissent en paix de leur droit de naissance ; il est rare qu’ils cherchent à en jouir sur les mers. Et ceux-ci, ce sont les petits satellites qui voltigent autour de la puissante lune, vos barbaresques d’Afrique. Je n’ai que peu de relations avec ces messieurs ; car ils ne font guère de trafic qui offre quelque profit. Et cependant, ajouta-t-il en jetant les yeux sur le divan de soie devant lequel Wilder était assis, nous nous sommes rencontrés quelquefois, et nous ne nous sommes pas quittés sans nous faire visite. — Ah ! voici l’homme que j’aime, le somptueux, le magnifique Espagnol ! Ce champ jaune rappelle la richesse de ses mines ; et cette couronne ! on serait tenté de la croire d’or massif, et d’avancer la main pour la saisir. Quel bel écu pour un galion[2] ! Voyez maintenant le Portugais

  1. Escutcheon of pretence : on appelle armes de prétention celles des domaines et des juridictions sur lesquelles le seigneur légitime a droit et qu’il ajoute aux siennes, sans pourtant en être le maître, restant entre les mains d’un prince étranger. Tout ce que dit ici le Corsaire du pavillon de France ne s’applique à ce pavillon que très-indirectement. — Éd.
  2. Les galions servaient généralement pour le transport de l’or du Mexique et du Pérou, qui depuis… mais alors ces pays étaient à l’Espagne. — Éd.