Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/89

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— J’en conviens, mais…

— Vous conviendrez bientôt du reste. Vous montriez trop de curiosité, trop d’empressement à interroger l’imbécile qui dit que nous lui avions volé ses voiles et ses provisions. Menteur impertinent ! Il fera bien de ne pas venir croiser sur ma route, ou je pourrais bien lui donner une leçon qui lui apprendrait à être mieux avisé une autre fois. Beau gibier vraiment pour qu’il vaille la peine que je déploie pour lui une seule voile, ou que je mette même une barque à la mer !

— Son rapport n’est donc pas vrai ? demanda Wilder avec une surprise qu’il ne chercha pas à cacher.

— Vrai ! Suis-je ce que la renommée m’a fait ? regardez bien le monstre, afin que rien ne vous échappe, reprit le Corsaire avec un sourire amer, comme si le mépris s’efforçait d’apaiser les sentimens de l’orgueil blessé. — Où sont les cornes et le pied fourchu ? Humez l’air : est-il imprégné de soufre ? Mais c’est assez de toutes ces fadaises. Je soupçonnai vos projets, et votre air me convint. Je résolus de vous étudier, et quoique je misse quelque réserve dans mes démarches, cependant je vous vis d’assez près pour être content. Vous me plûtes, Wilder, et j’espère que cette satisfaction sera mutuelle.

Le nouveau flibustier inclina la tête à ce compliment de son chef, et il parut assez embarrassé de répondre. Comme pour éloigner ce sujet et mettre fin à la conversation, il dit précipitamment :

— Maintenant que tout est d’accord, je ne vous dérangerai pas plus long-temps. Je vais me retirer, et je reviendrai prendre mes fonctions demain matin.

— Vous retirer ! répéta le Corsaire en s’arrêtant tout à coup dans sa marche, et en regardant fixement le jeune homme. — Il n’est pas d’usage que mes officiers me quittent à cette heure. Un marin doit aimer son vaisseau, et il doit toujours coucher à bord, à moins qu’il ne soit retenu de force à terre.

— Entendons-nous, dit Wilder avec feu ; si c’est pour être esclave, et pour être cloué comme l’une de ces ferrures à votre vaisseau, que vous me prenez, il n’y a rien de fait entre nous.

— Hem ! J’admire votre vivacité, monsieur, beaucoup plus que votre prudence. Vous trouverez en moi un ami dévoué, qui n’aime guère les séparations, quelque courtes qu’elles puissent être. N’y a-t-il pas ici de quoi vous contenter ? Je ne vous parlerai pas de