Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/112

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sauvage. Je serais fâché d’apprendre qu’Ében Dudley commence à perdre ses talents comme chasseur.

Cet homme devient triste parce qu’il est trop bien nourri, dit la voix d’une femme qui était occupée à ranger la vaisselle dans une autre partie de la chambre. Il chasse seul afin qu’on ne s’aperçoive pas qu’il perd tous les jours de son adresse. Je crois qu’il a l’intention de se rendre de l’autre côté de la mer pour être soldat.

Jusqu’à ce moment celui qui était exposé à ces joyeuses plaisanteries les avait écoutées comme ayant trop de confiance dans sa réputation bien établie pour s’en affecter ; mais en écoutant les paroles de la jeune femme, il saisit d’une main la barbe épaisse qui lui couvrait la moitié du visage, et tournant un regard irrité sur Foi Ring, qui se repentait déjà de ce qu’elle avait dit, il reprit toute son assurance naturelle.

— Il se peut que j’aie perdu mon adresse, dit-il, et que j’aime mieux être seul que d’être ennuyé de la compagnie de gens que je pourrais facilement nommer, car nous ne devons pas de reconnaissance à ces galants qui voyagent du haut en bas de la colonie, donnant des leçons de malice aux filles d’honnêtes gens ; mais pourquoi Ében Dudley doit-il supporter à lui seul tout le feu roulant de vos plaisanteries, lorsqu’il y en a un autre, ce me semble, qui s’est encore plus éloigné de vous ?

Les yeux de tous les chasseurs se rencontrèrent, et leurs regards semblaient se demander qui pouvait être absent. Les jeunes habitants des frontières secouèrent la tête ; et reconnaissant les traits de tous ceux qui composaient la petite communauté de Wish-ton-Wish, ils allaient exprimer leur pensée lorsque Ruth s’écria :

— Le jeune Indien n’est point ici !

La crainte qu’inspiraient les sauvages était si générale parmi ceux qui vivaient sur cette frontière exposée à tant de dangers, que tous les planteurs se levèrent en entendant ces mots, par une impulsion soudaine et commune, chaque individu regardant autour de lui avec une surprise qui ressemblait presque à de l’effroi.

— Le jeune garçon était avec nous quand nous quittâmes la forêt, dit Content, après un moment de silence. J’ai fait l’éloge de son activité et de l’intelligence qu’il avait montrée en découvrant les retraites où le daim se cachait, quoiqu’il y ait peu de raison de croire que mes paroles fussent comprises.