Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/118

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derrière les jeunes servantes effrayées, et Content, après une pause respectueuse, invita Ében Dudley, qui n’avait point encore communiqué les détails les plus importants, à continuer son récit.

— Tandis que mon œil cherchait l’éclair qui aurait dû précéder le tonnerre, si le coup avait été naturel, le daim avait disparu ; et lorsque je montais sur une petite éminence pour retrouver la vue du gibier, un homme qui montait de l’autre côté se trouva subitement si près de moi que son fusil se trouva sur ma poitrine, et le mien sur la sienne, avant qu’aucun de nous eût le temps de parler.

— Quel homme était-ce ?

— Autant qu’un jugement humain peut prononcer, il paraissait un voyageur qui traversait les déserts, venant des villes qui sont au bas de la montagne, et allant aux établissements de la Baie-Province ; mais je trouvai qu’il était étrange que la piste d’un daim nous eût amenés l’un devant l’autre d’une manière si soudaine.

— Après cette rencontre, revis-tu le gibier ?

— Dans le premier moment de la surprise, il me parut certainement qu’un animal bondissait le long du bois, dans un buisson éloigné ; mais on sait comme on peut être induit en erreur par de fausses apparences ; j’ai lieu de croire que c’est une illusion. Il n’y a pas de doute que l’animal, ayant rempli la commission dont on l’avait chargé, disparut de la manière dont je vous l’ai raconté.

— Cela se peut. Et l’étranger, eûtes-vous quelque conversation avant de vous quitter ?

— Nous restâmes ensemble à peu près une heure ; il me raconta des choses merveilleuses sur le peuple qui habite près de la mer. Suivant son témoignage, le pouvoir de l’Esprit des ténèbres s’est manifesté dans les provinces d’une horrible manière. Un nombre considérable de Croyants ont été persécutés par les Invisibles, et ils ont grandement souffert de corps et d’âme.[1]

— Dans mon temps, j’ai été témoin d’exemples surprenants de ce genre, dit Mark Heathcote, rompant avec sa voix sombre et imposante le silence qui avait succédé à ce terrible récit. Celui

  1. Le lecteur, familier avec l’histoire de la Nouvelle-Angleterre, reconnaîtra, dans ce dialogue, l’espèce de jargon et les opinions singulières qui dominaient dans cette portion de l’Amérique à l’époque où ce conte est placé.