Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/156

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naient à tous les hommes ! dit Content à sa compagne tremblante qui serrait son bras, tandis que la flamme, tourbillonnant dans les courants de l’air échauffé, balayait les toits d’un hangar et pénétrait dans la couverture en bois. La récolte de toute une saison est sur le point d’être réduite en cendre par le feu de ces maudits…

— Paix, Heathcote ! Qu’est-ce que la richesse en comparaison de ce qui nous reste ! Chasse ces plaintes de ton esprit, et bénis Dieu qui nous a laissé nos enfants et notre maison.

— Tu dis vrai, répondit le mari en essayant d’imiter la douce résignation de sa compagne. Que sont en effet les biens de ce monde comparés à la tranquillité d’esprit… Ah ! cette malheureuse bouffée de vent achève la perte de notre récolte, l’élément destructeur est dans le centre de nos greniers.

Ruth ne fit aucune réponse ; bien qu’elle fût moins attachée que son mari aux richesses temporelles, les effrayants progrès du feu l’alarmaient pour la sûreté personnelle de la famille. Les flammes avaient passé d’un toit à un autre, rencontrant partout les matières les plus combustibles ; les vastes granges, les hangars, les greniers, les étables et tous les bâtiments extérieurs étaient enveloppés d’un torrent de feu. Jusqu’à ce moment, l’incertitude et l’espérance d’un côté et l’appréhension de l’autre avaient rendu les deux partis spectateurs muets de cette scène ; mais des cris de triomphe proclamèrent bientôt l’enthousiasme avec lequel les Indiens contemplaient le succès de leur projet ; les hurlements succédèrent bientôt à ces cris de joie, et une troisième attaque commença.

Les assiégés et les assiégeants combattirent alors à la lueur d’une clarté moins pure que celle du soleil, mais presque aussi brillante. Stimulés par l’espérance du succès que leur promettait l’incendie, les sauvages se précipitèrent sur les fortifications avec plus d’audace qu’ils n’en montraient ordinairement dans leur manière prudente de faire la guerre. La montagne et les bâtiments qui s’y trouvaient placés jetaient une ombre obscure sur les champs ; du côté opposé aux flammes et à l’abri de cette ombre, la troupe cruelle des sauvages parvint jusqu’aux palissades avec impunité ; sa présence fut annoncée par les cris d’usage, car trop de regards curieux s’étaient attachés sur l’effrayant incendie pour avoir aperçu l’approche des Indiens, jusqu’au moment où leur audace était presque couronnée par le succès. Les planteurs se