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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/163

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— Jeune homme ! si tu n’as pas pitié de nous, Dieu nous a abandonnées !

— Elle est à moi, dit le captif avec vivacité. Écoute mes paroles, Wompahwisset ; le sang de mon père est brûlant dans mon cœur.

Le guerrier obéit, et le coup fut encore suspendu. Les yeux brillants du sauvage restèrent fixés sur le visage sévère du jeune héros, dont la main levée semblait menacer d’un prompt châtiment celui qui dédaignerait ses ordres. Les lèvres du guerrier tremblèrent, et il prononça lentement le nom de Miantonimoh ! comme si ce nom rappelait un sentiment de chagrin. Au même moment des cris prolongés se firent entendre, et le farouche Indien, abandonnant la jeune fille que l’effroi avait rendue presque insensible à ce qui se passait autour d’elle, bondit comme un lévrier dont on vient de rompre les liens, et qui s’élance sur une nouvelle piste.

— Jeune homme, jeune homme ! murmura la mère tremblante, païen ou chrétien, il y a quelqu’un qui te bénira !

Un geste rapide interrompit les ferventes expressions de la gratitude de Ruth. Montrant du doigt la figure du sauvage qui fuyait, le captif figura un cercle autour de sa propre tête, d’une manière à laquelle on ne pouvait se méprendre, et prononça d’une voix calme, mais avec l’emphase d’un Indien :

— Le jeune visage pâle a un crâne.

Ruth n’en écouta pas davantage. Excitée par une angoisse qui déchirait son âme, elle descendit avec la rapidité du vent, afin de détourner du jeune Mark les machinations de son cruel ennemi. On entendit un seul instant le bruit de ses pas résonner dans les chambres vides ; alors le captif, qui venait de signaler son autorité en faveur des enfants, reprit son attitude méditative, et parut aussi calme que s’il n’avait pris aucun intérêt aux événements de la nuit.

La situation de la garnison devenait de plus en plus critique. Un torrent de feu avait passé de l’extrémité des bâtiments extérieurs à ceux qui étaient le plus près des fortifications ; ils tombaient les uns après les autres sous la dévorante empreinte des flammes, et les palissades commençaient à jeter autour d’elles une chaleur brûlante.

L’alarme que causa un aussi grand danger fut promptement répandue ; et lorsque Ruth entra dans la cour, une servante passa