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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/188

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sauvages avaient pour toujours abandonné la vallée. Les vaches avaient donné leur tribut, et l’on s’était procuré contre la faim les provisions qu’on avait pu réunir dans de telles circonstances. Les armes furent examinées et mises en état de service autant que possible ; on fit à la hâte quelques préparatifs pour protéger les femmes contre le froid de la nuit qui s’approchait ; enfin tout ce que l’intelligence d’un habitant des forêts pouvait suggérer fut exécuté avec promptitude.

Le soleil commençait à se coucher derrière la cime des hêtres qui bordaient le point de vue du côté de l’ouest, avant que les arrangements nécessaires fussent terminés, et ce fut à ce moment que Reuben Ring, accompagné d’un autre jeune homme aussi actif, aussi courageux que lui, parurent devant le Puritain, équipés comme des hommes disposés à faire un voyage à travers la forêt.

— Allez, dit le vieux Puritain lorsque les jeunes gens se présentèrent devant lui, allez porter la nouvelle de nos désastres, afin qu’on vienne à notre secours. Je ne demande point vengeance contre les païens. Imitateurs des adorateurs de Moloch, ils ont fait le mal par ignorance. Qu’aucun homme ne s’arme pour venger les infortunes d’un pécheur… Laissons-les plutôt chercher dans les secrètes abominations de leur propre cœur, afin qu’ils écrasent le ver qui, rongeant les grains d’une utile espérance, peut détruire les fruits de la promesse dans leur âme. Je voudrais que cet exemple de la colère divine fût profitable. Allez, faites le tour des établissements pendant à peu près cinquante milles, et demandez à ceux qui sont disponibles de venir à notre secours. Ils seront les bienvenus ; et puisse-t-il s’écouler bien du temps avant que quelques-uns d’entre eux envoient à moi ou aux miens une semblable prière pour remplir un aussi triste devoir ! Partez, et rappelez-vous que vous êtes des envoyés de paix, que votre message n’est point pour exciter à la vengeance, que ce sont les secours qu’on peut raisonnablement m’accorder, mais non des bras armés pour chasser le sauvage de sa retraite, que je demande à nos frères[1].

  1. La nécessité de se prêter un appui mutuel dans un pays faiblement peuplé, avait établi parmi les habitants des frontières des relations d’une généralité et d’une bienveillance excessive. Un appel semblable à celui du vieil Heathcote aurait amené des hommes de plusieurs lieues. C’était une pratique alors de convoquer tout le voisinage pour bâtir une maison, on pour tout autre travail qui exigeait la réunion d’un grand nombre de bras. Nul salaire n’était demandé, ni n’eût été accepté.