Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/20

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et secret sorti d’une main qui, aux yeux du monde, semblait fermée par une prudente économie. Aucun des fidèles des environs n’unissait son sort à celui d’une compagne par le mariage, sans recevoir de lui des preuves d’intérêt pour son bonheur temporel, plus évidentes que de vaines paroles.

Le matin du départ, lorsque les voitures chargées des meubles et des ustensiles de Mark Heathcote quittèrent sa porte et prirent la route qui devait les conduire du côté de la mer, tous les habitants de la contrée, à plusieurs milles de sa résidence, assistèrent à cet intéressant spectacle. L’adieu, comme il était ordinaire dans toutes les occasions solennelles, fut précédé par un hymne et une prière ; alors le sombre pèlerin, toujours si maître de lui-même, embrassa ses voisins avec un maintien où l’apparence du calme luttait fortement contre l’expression d’une émotion difficilement contenue. Les habitants de toutes les maisons qui se trouvaient sur la route avaient quitté leurs demeures pour échanger les bénédictions du départ. Plus d’une fois ceux qui guidaient les chevaux reçurent l’ordre de s’arrêter ; et tous ceux qui entouraient les voyageurs s’unissaient pour offrir au ciel une prière en faveur de celui qui s’éloignait et de ceux qu’il laissait derrière lui. On demandait brièvement les faveurs temporelles ; mais les supplications pour obtenir la lumière spirituelle étaient ferventes et souvent répétées. Ce fut de cette manière caractéristique qu’un des premiers émigrants du Nouveau-Monde se lança une seconde fois au milieu des scènes de souffrance, de privations et de dangers.

Vers le milieu du dix-septième siècle on ne voyageait pas en Amérique, et l’on ne pouvait pas transporter ses meubles et ses marchandises avec les mêmes facilités qu’aujourd’hui. Les routes étaient peu nombreuses et n’allaient pas loin ; les communications par eau étaient irrégulières, lentes et bien loin d’être commodes ; cependant comme une immense forêt s’élevait ainsi qu’une barrière entre la baie Massachusetts, que quittait Heathcote, et le lieu où il se rendait près de la rivière de Connecticut, il fut obligé d’adopter cette dernière manière de voyager. Mais un long intervalle s’écoula entre l’instant où il entreprit son voyage vers la côte et le temps où il lui fut possible de s’embarquer. Pendant cet intervalle, le capitaine Heathcote et sa maison séjournèrent parmi les esprits religieux de l’étroite péninsule, où existait déjà le germe d’une ville florissante, et où maintenant les clochers