Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/209

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pecte un sentiment patriotique, et je puis même porter cette disposition jusqu’à reconnaître autant que personne les bienfaits que ce pays a reçus de la main d’un Créateur plein de bonté ; mais les faits démontrés par la science et recueillis par l’érudition sont placés trop au-dessus des objections de l’esprit léger des sophistes, pour que des hommes doués d’un caractère plus grave puissent en douter.

— Je ne disputerai pas contre les choses qui sont prouvées, répondit Dudley, qui était aussi pacifique dans une discussion morale que vigoureux et actif dans une lutte physique ; mais puisque la science humaine doit être portée à un si haut point dans les anciens pays, attendu leur grand âge, ce serait une visite qui mériterait qu’on se la rappelât, si quelques-uns de ses rares avantages se répandaient sur nos jeunes contrées.

— Et peut-on dire que nos besoins intellectuels aient été oubliés ; que la nudité de notre esprit n’ait pas été couverte d’un vêtement convenable, voisin Dudley ? Il me semble que nous avons toute raison de nous applaudir à cet égard, et que l’équilibre de la nature se trouve en quelque sorte rétabli par la main bienfaisante de l’art. Il est absurde, dans une province qui n’est pas éclairée, de prétendre à des qualités qu’on a prouvé qu’elle ne possède point ; mais la science est un don qui peut se transmettre et se communiquer, et il est juste de dire qu’on la trouve ici en proportion suffisante aux besoins de la colonie.

— Je ne puis dire le contraire, car ayant toujours fait des courses dans la forêt, au lieu de voyager pour voir les établissements le long de la côte, il est possible qu’il s’y trouve bien des choses dont ma pauvre imagination ne peut se faire une idée.

— Et sommes-nous donc tout à fait sans lumières, même dans cette vallée écartée, enseigne ? dit le docteur en se penchant sur le cou de son cheval, et en prenant ce ton doux et persuasif dont il avait probablement acquis l’habitude dans sa pratique étendue parmi les femmes de l’établissement. Doit-on nous classer, en fait de connaissances, parmi les païens ? devons-nous être confondus avec les hommes non civilisés qui erraient autrefois dans ces forêts pour y chercher du gibier ? Sans prétendre avoir un jugement infaillible, sans me vanter de connaissances supérieures, et malgré la défectuosité possible de mon intelligence, il ne me semble pas, maître Dudley, que les progrès de l’établissement aient jamais été arrêtés faute de prévoyance nécessaire, et que la