Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/274

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Le succès parut indécis ; les blancs, pendant un moment, augmentèrent la distance qui se trouvait entre eux et leurs amis dans le bâtiment ; et dans un autre, ils reculèrent comme s’ils étaient disposés à se réfugier à l’abri des palissades. Quoique la supériorité du nombre fût en faveur des Indiens, les armes et l’adresse favorisaient la cause de leurs adversaires. Le plus ardent désir des premiers était d’attaquer la petite bande qui s’opposait à leur entrée dans le village, où ils pouvaient apercevoir la scène tumultueuse que nous avons décrite ; spectacle peu capable de calmer leur ardeur furieuse dans l’attaque. Mais la prudence avec laquelle Dudley dirigeait le combat rendait cette tentative hasardeuse.

Quelque épaisse qu’ait pu paraître l’intelligence de l’enseigne en toute autre occasion, les circonstances présentes étaient de nature à mettre au jour ses plus belles et ses plus solides qualités. Vigoureux et d’une stature élevée, il sentait en lui-même, au milieu des combats, une confiance proportionnée à la force physique qu’il y déployait. À ce courage téméraire était jointe une assez forte dose de cet enthousiasme qui peut être éveillé dans les esprits les plus lourds, et qui, semblable à la colère d’un homme ordinairement paisible, est d’autant plus formidable qu’il est plus opposé à leurs habitudes. Cette rencontre n’était certes pas le premier exploit guerrier de l’enseigne Dudley. Outre l’affaire malheureuse qui a été décrite dans cette histoire, il avait fait partie de diverses expéditions contre les aborigènes, et dans toutes les occasions il avait fait preuve d’une tête froide et d’un esprit résolu.

Ces deux qualités essentielles étaient éminemment nécessaires dans la situation où se trouvait l’enseigne. En étendant convenablement ses forces et les tenant en même temps à portée de se secourir promptement, en imitant la prudence de son ennemi dans le choix des abris, et en réservant une partie de son feu à travers la ligne rompue, mais toujours en ordre, il fit enfin reculer les sauvages de tronc d’arbre en tronc d’arbre, de barrière en barrière, de colline en colline, jusqu’à l’entrée de la forêt. L’habitant expérimenté des frontières vit qu’il ne pourrait pas les suivre plus loin ; plusieurs de ses gens étaient blessés et s’affaiblissaient par la perte de leur sang. La protection des arbres donnait à l’ennemi un trop grand avantage pour entreprendre de forcer sa position ; et la destruction des blancs eût été la conséquence inévitable d’un combat corps à corps qui eût suivi une attaque. Dans cette