Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/287

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de ce guerrier était grave, quoiqu’il y eût dans ses yeux une vivacité qui annonçait une grande activité d’esprit, non moins que l’inquiétude et le soupçon. Une personne habile à lire dans l’expression de sa physionomie aurait pu découvrir qu’une nuance de mécontentement combattait l’empire que le chef avait sur lui-même, et qui était devenu inhérent à sa nature.

Les deux sauvages les plus voisins de ce chef étaient des hommes qui, comme lui, avaient passé le milieu de la vie, dont le maintien et l’expression avaient aussi les mêmes rapports, quoique moins fortement marqués. Ils ne montraient pas non plus ces signes de mécontentement qui accidentellement éclataient dans les yeux de celui dont l’esprit si habile à se contraindre ne pouvait pas toujours maîtriser ses regards. Un de ces chefs parlait, et, par la direction qu’avaient prise ses yeux, on pouvait s’apercevoir que le sujet de son discours était un quatrième chef que son éloignement empêchait de comprendre ce qui était dit. Dans la personne du dernier chef le lecteur reconnaîtra le jeune homme qui s’était arrêté devant Mark, et dont le rapide mouvement sur le flanc de la troupe de Dudley avait chassé les colons des prairies. L’éloquente expression de ses traits, la tension de ses nerfs, la contraction de ses muscles, avaient disparu ; elles étaient remplacées par le calme particulier qui distingue le guerrier indien dans ses moments d’inaction, comme il montre la courtoisie de celui qui a été instruit à l’école d’une vie plus policée. D’une main il s’appuyait légèrement sur son mousquet, tandis que l’autre, qui pendait à son côté, tenait une courroie de nerf de daim à laquelle était suspendu un tomahawk d’où découlaient des gouttes de sang. Sa personne ne portait point d’autre vêtement que celui dans lequel il avait combattu ; mais, plus heureux que son compagnon en autorité, il n’avait aucune blessure.

Les traits et les formes de ce jeune guerrier auraient pu représenter le modèle de la beauté indienne. Ses membres étaient arrondis, et remarquables par une excessive agilité.

Il y avait, dans l’attitude droite et le regard noble de l’Indien, une grande ressemblance avec la statue de l’Apollon Pythien, tandis que par l’ampleur de sa poitrine il rappelait la statue de Bacchus. Ce rapport avec une divinité dont l’image est peu capable d’éveiller de nobles sentiments n’avait rien de désagréable, car il servait en quelque sorte à adoucir l’expression sévère de toute sa personne et l’éclat d’un regard qui avait quel-