Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/314

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Lorsqu’un des plus actifs messagers fut de retour, et rapporta la nouvelle que les Indiens s’étaient retirés à travers la forêt, laissant après eux de larges traces, signe le plus certain qu’ils ne méditaient point une nouvelle invasion dans la vallée, les villageois retournèrent à leurs habitations. Les morts furent distribués parmi ceux qui réclamaient comme un droit sacré de remplir à leur égard les derniers devoirs de l’affection. On peut dire que le deuil était dans chaque demeure. Les liens du sang étaient si étendus dans une société aussi limitée, et ceux de l’amitié étaient si vifs et si naturels, que chacun s’aperçut que les événements du jour lui avaient ravi à jamais un de ceux qui contribuaient à son bonheur.

Vers la fin de la journée la petite cloche appela de nouveau la congrégation à l’église. Dans cette occasion solennelle peu s’absentèrent parmi ceux qui étaient bien portants. Le moment où Meek se leva pour commencer la prière causa une profonde émotion. Les places vides qui avaient été si récemment occupées par ceux qui étaient tombés dans le combat parlaient avec plus d’éloquence des événements qui venaient de se passer que n’auraient pu le faire des paroles. La prière du pasteur fut, comme à l’ordinaire, d’un style de sublime emphase ; il mêla des révélations, des desseins mystérieux de la Providence, à l’expression plus intelligible des besoins et des passions des hommes. Tandis qu’il accordait au ciel l’honneur de la victoire, il parla avec une prétendue humilité des instruments de son pouvoir, et bien qu’il semblât reconnaître que son peuple méritait le coup dont il avait été frappé, il éprouvait une impatience qu’il ne pouvait dissimuler contre les agents qui l’avaient infligé. Les principes du sectaire étaient si singulièrement adaptés aux sentiments de l’habitant des frontières, qu’un logicien subtil aurait trouvé avec peu de difficulté des contre-sens dans les raisonnements de ce zèle. Mais plus son discours était obscurci par les brouillards de la métaphysique, plus il laissait de liberté à l’imagination de ses auditeurs, et chacun d’eux sans exception en tira les conséquences qui lui convenaient le mieux.

Le sermon fut improvisé comme la prière, si quelque chose pouvait être improvisé par un esprit tellement rempli de sa doctrine. Tandis que les membres de la congrégation s’abandonnaient à l’espoir d’être un peuple choisi pour quelque grand et glorieux dessein de la Providence, le ministre leur apprenait en même