Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/381

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ne t’abandonnera pas au terme de tes jours ! Pense aux instructions que je te donnais dans ton enfance, fille de mon amour, bien que faible d’esprit et de corps ; le grain peut germer encore, quoiqu’il ait été jeté où le soleil de la promesse a été si longtemps caché.

— Ma mère ! dit une voix faible. Ce mot parvint à chaque oreille, et causa une attention générale. Le son était doux, peut-être enfantin ; mais il fut prononcé clairement et sans accent.

— Ma mère, répéta la mourante, pourquoi sommes-nous dans la forêt ? nous a-t-on dépouillés de notre demeure, que nous habitions sous les arbres ?

Ruth leva la main pour supplier que personne n’interrompît cette illusion.

— La nature a rappelé les souvenirs de sa jeunesse, murmura-t-elle à voix basse ; que son âme quitte la terre, si telle est la sainte volonté du ciel, dans cette précieuse innocence.

— Pourquoi Mark et Martha restent-ils en arrière ? continua la fille de Ruth ; tu sais, ma mère, qu’il est dangereux d’errer si loin dans les bois. Les païens peuvent être hors de leurs villes, et l’on ne sait pas les malheurs qui peuvent arriver aux imprudents.

Un gémissement s’échappa de la poitrine de Content, et la main musculeuse de Dudley s’appesantit avec force sur l’épaule de sa femme, jusqu’à ce que la douleur que Foi ressentît, sans réfléchir à ce qui la causait, tant elle était préoccupée par la scène attendrissante qu’elle avait sous les yeux, la forçât de s’éloigner.

— J’en ai dit autant à Mark, car il ne se souvient pas toujours de tes avis, ma mère ; ces enfants aiment tant à se promener ensemble ! Mais Mark est en général bien bon, ne gronde pas ; s’il s’écarte trop, ma mère, tu ne le gronderas pas !

Le jeune homme, que sa sœur venait de nommer, détourna la tête, car même dans ce moment une fierté involontaire le portait à cacher sa faiblesse.

— As-tu prié aujourd’hui, ma fille ? dit Ruth, essayant de paraître calme. Tu ne devrais pas oublier ce devoir envers le Tout-Puissant, bien que nous soyons sans demeure, au milieu des bois.

— Je vais prier maintenant, dit la jeune femme, toujours en proie à une mystérieuse illusion, et tâchant de cacher son visage dans le sein de sa mère.