Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui prend la vie d’un de ses compagnons dans le péché ; mais on sait que le juste Josué combattit les païens à la lueur d’un jour surnaturel ; ainsi, en nous confiant humblement dans la justice de notre cause, je vais faire comprendre à ton jeune esprit l’usage d’une arme qui n’a point encore été vue dans nos forêts…

— J’ai soulevé bien des pièces plus lourdes que celle-ci, dit le jeune Mark, dont les sourcils se rapprochèrent, tant par l’effort qu’il fit en tenant l’arme d’une seule main, que par l’expression d’un esprit déjà ambitieux de s’instruire. Nous avons des fusils qui pourraient apprivoiser un loup avec plus de certitude qu’une arme d’un calibre moins haut que ma propre taille. Dis, grand père, à quelle distance les guerriers à cheval que vous nommez si souvent ajustent-ils ?

Mais le pouvoir de la parole semblait avoir été retiré au vieillard ; il s’était interrompu dans son propre discours ; et alors, au lieu de répondre aux questions de son petit-fils, ses yeux erraient, avec une expression de pénible doute, de l’arme qu’il tenait encore à la main, sur le visage de l’étranger. Ce dernier était debout, comme quelqu’un qui désire attirer sur sa personne un sévère examen. Cette scène muette ne pouvait manquer de captiver l’attention de Content ; se levant de son siège avec calme, mais avec cette autorité qu’on voit encore dans le gouvernement domestique du peuple de la région qu’il habitait, il ordonna à tout ce qui était présent de quitter l’appartement. Ruth et ses filles, les serviteurs, Whittal, et même Mark, qui n’abandonnait pas les armes sans répugnance, le précédèrent à la porte qu’il ferma avec soin. Alors toutes ces personnes étonnées se mêlèrent à celles qui se trouvaient dans la première pièce, laissant dans l’autre, qu’ils venaient de quitter, le chef de la famille et son hôte mystérieux et inconnu.

Bien des minutes s’écoulèrent ; elles paraissaient longues à ceux qui avaient été exclus, et cependant l’entrevue secrète ne semblait pas toucher à sa fin. Le profond respect que les années et le caractère du grand-père avaient inspiré empêchait chaque individu de s’approprier de l’appartement qu’il venait de quitter ; mais un silence tranquille comme celui de la tombe effectuait tout ce que le silence pouvait faire pour éclairer les esprits sur une matière d’un intérêt aussi général. La voix étouffée des interlocuteurs était entendue ; on distinguait qu’ils discutaient tranquillement leur opinion, mais aucun son qui eût une signi-