Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/85

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réunis. Nos coursiers sont-ils rassasiés, Hallam ? Le devoir, comme tu dis, est un maître auquel on ne peut résister, il nous rappelle dans le cœur de la colonie… Je voudrais qu’il nous montrât le plus tôt possible le chemin de l’Europe ! murmura le chef en touchant la terre. Allez veiller à ce que nos chevaux soient prêts à partir dans un instant, ajouta-t-il en s’adressant à ses compagnons.

Ces soldats, quoique gens de courage dans une guerre ordinaire et conduite suivant leurs habitudes, avaient, comme les autres hommes, la prudente frayeur d’un danger inconnu, et qui se présentait à eux sous un aspect terrible. Il existe une vérité bien connue, et qui a été prouvée par une expérience de deux siècles : c’est que le soldat européen, toujours disposé à avoir recours au terrible guerrier des forêts de l’Amérique, comme auxiliaire, a, dans presque toutes les occasions, montré les craintes les plus lâches et les plus ridicules lorsque la vengeance ou le hasard l’a rendu l’objet et non le spectateur de la cruelle guerre des sauvages. Pendant que Content envisageait le péril avec un si grand calme, les quatre étrangers semblaient en voir toute l’horreur sans connaître le moyen de l’éviter. Leur chef renonça promptement à l’insolence du pouvoir et au ton du mécontentement, pour prendre des manières polies ; et comme on voit souvent la politique changer subitement les sentiments de personnages d’une plus haute distinction, lorsque leur intérêt le leur conseille, on vit de même le langage de l’étranger prendre un caractère de courtoisie et de conciliation.

Il ne lorgna plus les servantes, il traita la maîtresse de la maison avec respect, et ne s’adressa plus au vieux Puritain qu’en lui témoignant la plus profonde vénération. Il prononça quelques mots en forme d’apologie sur les obligations désagréables du devoir, et sur les manières qu’il avait été utile d’affecter pour accomplir un dessein secret  ; mais ni Mark ni son fils ne parurent prendre assez d’intérêt à leur hôte pour lui donner la peine de répéter cette explication aussi maladroite qu’elle leur semblait inutile à ceux qui l’écoutaient.

Loin d’opposer un nouvel obstacle aux intentions de la famille, les étrangers invitèrent sérieusement les colons à ne point renoncer à visiter les bois. L’habitation devait être confiée pendant ce temps à la vigilance du vieux capitaine ; il garda sous ses ordres à peu près la moitié des valets, soutenus par les Européens, qui