Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/98

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Il existait toujours dans la famille un souvenir vivant de la nuit mémorable. Le captif indien resta dans l’habitation longtemps encore après que les événements qui l’avaient placé au pouvoir des colons furent presque oubliés.

Le désir de faire éclore les semences de la régénération spirituelle que le vieux Mark Heathcote supposait germer dans le sein de tous les hommes, et par conséquent dans celui du jeune païen, était devenu une espèce de passion pour le Puritain. L’habitude et la manière de penser de l’époque avaient une grande tendance vers la superstition, et il était facile qu’un homme dont les dispositions étaient ascétiques et les doctrines exaltées, en vînt à croire qu’une Providence spéciale avait placé le jeune garçon entre ses mains dans quelques desseins puissants et mystérieux que le temps révélerait un jour.

Malgré le fanatisme outré dont était empreint le caractère des religionnaires de cette époque, ils ne manquaient ni d’adresse ni de prudence ; les moyens qu’ils jugeaient convenables d’employer pour aider les desseins cachés de la Providence étaient en général utiles et raisonnables. Mais cependant, tandis que Mark n’oubliait jamais de faire appeler le jeune Indien à l’heure de la prière, et d’y introduire une demande spéciale en faveur des païens ignorants, et en particulier de celui que le ciel lui avait envoyé, il hésitait à croire qu’un miracle manifeste aurait lieu en sa faveur. Afin qu’aucun blâme ne s’attachât au devoir qui était confié aux moyens humains, il avait recours à la bonté, à une continuelle et douce sollicitude. Mais toute tentative pour amener le jeune Indien à adopter les habitudes de l’homme civilisé furent vaines. Lorsque le froid augmenta, la compatissante Ruth essaya de lui persuader de prendre des vêtements que des hommes plus forts que lui et plus endurcis au travail jugeaient si nécessaires. Elle fit préparer des habits ornés de manière à flatter le goût d’un Indien ; mais les prières et les menaces furent vaines pour le décider à les porter. Une fois, Ében Dudley l’habilla de force, et le conduisit aussitôt en présence du vieux capitaine ; qui offrit à Dieu une prière particulière pour obtenir que le jeune Indien sentît le mérite de cette concession aux principes de l’homme instruit et civilisé. Mais au bout d’une heure, le vigoureux serviteur qui avait été choisi dans cette occasion pour être l’instrument de la civilisation, apprit à Foi que l’expérience n’avait point eu de succès ; et suivant l’expression d’Ében, qui rapporta d’une