Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/197

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Les deux enfants s’étaient doucement rapprochés.
Mais, sans pouvoir trouver un bon mot qui console,
Le militaire prit à son tour la parole.
Il parla, le front bas et les yeux assombris :

Lui, la conscription à vingt ans l’avait pris.
Être soldat, cela se nomme encor service.
Il maudit ce métier qui lui donnait un vice :
De pauvre on l’avait fait devenir paresseux.
L’avenir ! il n’osait y croire, étant de ceux
Qu’on peut le lendemain envoyer à la guerre,
Un de ces hommes, faits d’une argile vulgaire,
Que pour l’ambition du premier conquérant
Dieu sans doute pétrit d’un pouce indifférent,
Chair à canon, chair à scalpel, matière infâme
Et que la statistique appelle seule une âme.
Il raconta ses jours sans fin de garnison,
Ses courses dans les champs, le soir, vers l’horizon,
Sans but, en écoutant si la retraite sonne.
Il était sans ami, sans pays, sans personne,
Sans rien. Il ne pouvait se faire à son état
Et parfois souhaitait que la guerre éclatât.

A ce mot, prononcé simplement, la servante
Eut un petit frisson de soudaine épouvante,