Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/255

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

                               – Mon enfant, j’avais cru,
Lui dit-elle, pouvoir bien vivre avec ma bru.
Mais, à la fin, il faut que je le reconnaisse,
Je la gêne et ne puis plaire à cette jeunesse.
Je retourne à Soissons, vois-tu, cela vaut mieux.

Elle dit, de l’air doux et résigné des vieux,
Et partit, sans pleurer, mais affreusement triste.
Hélas ! il n’avait pas ce qui fait qu’on résiste.
Il consentit, devint plus morose qu’avant
Et pria, tous les soirs, pour avoir un enfant.
Car c’était là son but, décidément. Ce rêve,
Cet instinct, ce besoin le poursuivait sans trêve,
Il n’avait qu’un désir, il n’avait qu’un espoir :
Être père ! c’était son idéal. – Le soir,
Quand un noir ouvrier, portant un enfant rose,
Entrait dans sa boutique acheter quelque chose,
Soudain il se sentait plein d’attendrissement.

Mais les ans ont passé, lentement, lentement.
Il comprend aujourd’hui que ce n’est pas possible ;
Il partage le lit d’une femme insensible,
Et tous les deux ils ont froid au cœur, froid aux pieds.
— Ah ! les rêves aussi durement expiés