Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/261

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Il consola sa mère, il parla comme on prie :
— Tu sais. Nous connaissons quelqu’un à la mairie
Il me fera nommer ; c’est un chef de bureau.
Ah ! pourvu qu’à vingt ans j’aie un bon numéro !
Mais oui, j’ai de la chance au jeu. Ne sois pas triste.
Puis ce n’est pas pour rien que je suis un artiste.
Et que je sais un peu jouer du violon.
On peut faire un métier du talent de salon.
Je me sens un courage indomptable dans l’âme ;
Tu verras. Mais ris donc, maman. D’abord, madame,
Je ne serai content que quand vous aurez ri.

La pauvre heureuse mère ! un sourire attendri
Éclaira, fugitif, sa figure chagrine,
Puis, tendre, elle attira son fils sur sa poitrine,
Et, le serrant bien fort, elle pleura longtemps.

Le soir, quand il fut seul, l’enfant de dix-sept ans,
En rangeant, à côté des autres sur leurs planches,
Ses livres gaufrés d’or et tout dorés sur tranches,
À ses rêves d’hier pour toujours dit adieu.
Comme il l’avait prévu, d’ailleurs, le reste eut lieu.
Un emploi très-modeste occupa sa journée ;
Et la bonne moitié de sa nuit fut donnée
À racler des couplets dans un café-concert ;