Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t2, 1892.djvu/172

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les souvenirs il n’est pas de Léthé.
Meurs ! car les vieux remords sont exacts et fidèles
Ainsi que la marée et que les hirondelles ;
Et tout baiser mauvais vibre une éternité !
Je ne veux plus la voir ! Oui, je veux fuir Suzanne.
Mon regard lui devient un outrage odieux,
Puisqu’il ose évoquer dans le ciel de ses yeux
L’âme d’une adultère ou d’une courtisane.
Je ne veux plus la voir ! Et, d’amour éperdu,
De sa vue, hier encor, je faisais mon délice !
Ainsi qu’un condamné, le matin du supplice,
Je jette et trouve amer le pain où j’ai mordu.
— Mais l’aimais-je après tout ? C’est l’erreur éternelle
D’un cœur dont s’est toujours assouvi le désir.
Non ! mais l’illusion que je n’ai pu saisir,
Mais l’amour pur, voilà ce que j’aimais en elle.
Navré, mais sans regrets, je m’en vais donc d’ici.
Je ne la pleure pas, je pleure sur moi-même ;
Je ne crois pas non plus que la simple enfant m’aime ;
Et peut-être, vraiment, tout est-il mieux ainsi !