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Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t2, 1892.djvu/215

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Or, songeant que parfois le proscrit qu’on exècre
Revient en conquérant terrible et meurtrier
Et courbe tous les fronts jusqu’à son étrier,
Les vieux cheicks, qui joignaient la prudence à la haine,
Envoyèrent après Mohammed, par la plaine,
Des cavaliers ayant l’ordre de l’égorger.

Mais le Prophète alors se souvint du berger.
Par des sentiers gravis jadis avec ses chèvres
Entraînant Abou-Beckre, et le doigt sur les lèvres,
Il put gagner sa grotte ancienne, il s’y cacha,
Et, pendant tout un jour, en vain on le chercha.
Ils étaient là, muets, dans l’ombre qui consterne,
Lorsque les assassins, à l’huis de la caverne,
Parurent, l’œil au guet et l’arc déjà tendu.
Le Prophète frémit, en se croyant perdu ;
Mais, par protection du Très-Haut, l’araignée,
Du sage Mohammed autrefois épargnée,
Avait filé sa toile au seuil de ces rochers
Où les deux fugitifs étaient alors cachés ;
Et cette aérienne et fragile barrière
Suffit pour arrêter la bande meurtrière,
Qui revint sur ses pas, pensant qu’un corps humain
N’aurait pu se glisser dans cet étroit chemin
Sans détruire en passant l’araignée et ses toiles.